« Les nouvelles générations ont beaucoup à nous apporter »

Sarah Barukh intervient à l’ISEG, où elle sensibilise notamment les étudiants à la responsabilité sociale des entreprises (RSE), un enjeu qui la passionne. Elle est aussi une auteure à succès et vient de signer son quatrième roman, Puisque le soleil brille encore, paru chez Calmann-Lévy.

Quelle est l’intrigue de votre dernier livre ?
C’est l’histoire d’un secret de famille qui dévore, d’un lien mère-fille malmené, sur fond de dictature argentine et de ces bébés volés. Cette dictature, qui a commencé lorsque la junte s’est emparée du pouvoir en 1973, s’est achevée en 1983. Elle a fait plus de 30 000 disparus dont environ 500 bébés volés à des opposants, redonnés à des dignitaires et des policiers. J’utilise volontairement le terme « environ », car je trouve cela hallucinant qu’on ne sache toujours pas combien de personnes ont été impactées par cette dictature. Les opposantes enceintes étaient enfermées dans des camps jusqu’à leur accouchement, puis on volait leur enfant et on les tuait. Le corps des femmes était utilisé comme des poules. Je n’ai aucun rapport avec l’Argentine, mais le personnage principal, Sophie, est une brillante avocate qui n’a jamais véritablement réussi à trouver sa place dans sa famille. Souvent, quand on ne trouve pas sa place dans sa famille, on ne la trouve nulle part. Toute sa vie, elle a essayé d’imiter son père – son héros –, un grand magistrat, ancien ténor du barreau, immigré espagnol qui a fui l’Espagne franquiste où toute sa famille est décédée dans un incendie. Au tout début du roman, il tombe gravement malade et on sait qu’il va mourir.
Au-delà de cette mort qui aurait pu la ravager, elle va faire une découverte en rangeant l’appartement de ses parents : elle va trouver des passeports argentins. Ce qui va l’étonner, c’est qu’elle ne les a jamais vus auparavant alors qu’elle est passée mille fois devant. Qu’est-ce qu’elle n’a pas voulu voir dans sa vie ? Que lui a-t-on caché ? Son monde va s’effondrer et tout ce qu’elle pensait savoir d’elle-même va se dérober. Elle ne sait plus démêler le mensonge de la vérité. Elle va essayer de faire comme si elle n’avait rien trouvé, mais petit à petit, son corps va la rattraper. Quand on essaie de refouler ou de se mentir à soi-même, on développe des signes. Son corps va lui faire comprendre qu’il va arrêter de la suivre si elle ne découvre pas la vérité. Elle ne va plus avoir d’autres choix que de partir au bout du monde, jusqu’à Buenos Aires, pour découvrir qui elle est. Puisque le soleil brille encore se finit bien, c’est un message d’espoir.

Je parle toujours de transmission. Quand je ferme un livre, j’aime toujours avoir appris quelque chose.

Pourquoi avoir choisi ce thème ?
Dans tous mes livres, j’essaie de raconter des histoires avec énormément de psychologie. Je parle toujours de transmission. Quand je ferme un livre, j’aime toujours avoir appris quelque chose ; j’essaie ainsi toujours d’ajouter un fond social ou historique. Dans mon premier roman, j’ai parlé des années qui ont suivi la seconde guerre mondiale, dont on parle rarement et qui sont souvent plus dures que la guerre elle-même. Les gens se sont imaginé un monde merveilleux mais ce ne fut pas le cas. On se retrouvait, mais les gens avaient considérablement changé, ils étaient traumatisés, les liens familiaux se délitaient et on n’avait pas d’argent. Il y avait beaucoup d’incertitudes. L’immédiate après-guerre est une période très difficile et très floue.
Mon deuxième livre était inspiré par l’histoire de mon père, médecin qui a commencé en même temps que l’arrivée du sida et qui s’étonnait que personne ne parle du rôle des soignants à cette époque. Je voulais raconter l’histoire d’un jeune médecin pour qui son travail est toute sa vie et qui s’en est toujours voulu de n’avoir rien pu faire pour sa mère perdue à 12 ans. Confronté à un virus terrible, il doit prendre le risque de soigner ou de laisser un patient mourir seul. Les premiers cas de sida sont apparus en 1980 et les premiers tests de dépistage en 1985. Pendant 5 ans, les soignants ont travaillé sans savoir comment il s’attrapait et s’ils risquaient de contaminer leurs familles.
Envole-moi, paru l’année dernière, parle du basculement dans les années 1990 lorsque les premières collégiennes sont arrivées voilées. Du jour au lendemain, la religion s’est invitée parmi les jeunes qui jusque-là se distinguaient par leurs goûts musicaux ou cinématographiques. Personne n’y était préparé et on n’en a pas suffisamment parlé. Dans le livre, cet événement va déchirer une amitié entre deux personnes qui vont se perdre de vue et se retrouver pour affronter leur passé.

Avant de publier votre premier roman en 2017, vous faisiez de la communication et le brand content – une activité que vous poursuivez dans votre agence Sustain. Le fil conducteur a toujours été l’écriture ?
Oui ! J’ai toujours écrit. J’ai toujours voulu exercer un métier artistique. Comme dans mes livres, je raconte des histoires, mais au service des marques, pour faire comprendre qui se cache derrière et comment elles peuvent incarner leurs valeurs. L’exercice d’écriture, celui de trouver un angle et un sujet, je l’ai toujours fait !

Qu’est-ce qui vous passionne dans vos échanges avec les étudiants de l’ISEG ?
C’est très important pour moi et ne pas devenir une vieille conne ! J’ai toujours voulu enseigner, car à trop être immergé dans le monde de l’entreprise, on vieillit, en étant surtout dans un rapport de prestation. Les métiers de la communication demandent de la fraîcheur pour ne pas se répéter et remettre en question ses idées. Les nouvelles générations ont beaucoup à nous apporter et en même temps, je peux leur apporter un savoir et le recul nécessaire sur leurs métiers. C’est ce rapport-là qui m’intéresse.

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