Vincent Robert, enseignant-chercheur à l’IPSA et diplômé de l’école (promo 2006), est le coauteur d’un article qui a passionné les spécialistes de l’espace et valu un communiqué de la Nasa.
En utilisant notamment les données fournies par la sonde Cassini de la Nasa, une équipe internationale de chercheurs a découvert que l’expansion orbitale de Titan, la plus grosse lune de Saturne, est 100 fois plus rapide qu’on ne le pensait. La mécanique des effets de marées à l’œuvre dans le système saturnien gazeux ne serait donc pas la même que celle qui régit la relation Terre-Lune. Révélée dans l’article « Resonance locking in giant planets indicated by the rapid orbital expansion of Titan » publié par la revue scientifique de référence Nature Astronomy, cette découverte induit d’importantes répercussions : elle ouvre ainsi un nouveau champ d’investigation du système saturnien et implique le réexamen de nombreux objets astrophysiques, comme le souligne la Nasa.
Pourriez-vous rappeler ce que représente Titan pour les néophytes de l’espace ?
Il existe près de 80 satellites naturels de Saturne, dont les 8 « majeurs » que sont dans l’ordre d’éloignement à la planète : Mimas, Encelade, Téthys, Dioné, Rhéa, Titan, Hypérion et Japet. Parmi eux, Titan est un cas d’étude particulièrement intéressant de par ses caractéristiques. Il est le plus grand satellite naturel de Saturne, mais aussi le deuxième plus grand satellite du Système solaire (notre Lune n’est qu’au rang 5) – son diamètre est même plus grand que celui de la planète Mercure – et le seul satellite du Système solaire à posséder une atmosphère dense et développée à 98 % de diazote, soit la seule atmosphère riche en diazote avec la Terre dans le Système solaire !
Vous avez fourni une grosse quantité de données de position, complémentaires à celles de Cassini et indispensables à l’étude, et participé aux conclusions scientifiques. Comment résumer simplement le résultat de vos recherches ?
De la même manière que la Lune s’éloigne chaque année de la Terre de 3,8 cm, Titan s’éloigne de Saturne. Seulement, nous avons démontré que Titan s’éloigne 100 fois plus vite que prévu : l’expansion orbitale de Titan est bien plus rapide que ce que prévoyait alors la théorie.
Pourquoi Titan s’éloigne-t-elle plus vite ?
Les systèmes planète-satellite(s) sont complexes à modéliser car de nombreux effets physiques à court, moyen et long termes sont à prendre en compte pour en refléter la dynamique orbitale. Plus particulièrement, les effets de marées traduisent des échanges d’énergie entre la planète et son ou ses satellites. Notre Lune par exemple lève un bourrelet de marées sur la Terre par son interaction gravitationnelle. Sous l’action de ce bourrelet de marées, une partie du mouvement de rotation de la planète est transférée vers l’orbite de la Lune. En conséquence, la Lune s’éloigne et la Terre ralentit sa rotation.
La plupart des satellites naturels du Système solaire sont soumis aux mêmes lois et effets. Pour autant – et c’est une des conclusions de l’étude qui explique l’expansion rapide de Titan –, la mécanique des effets de marée dans le système de Saturne (gazeux), ne serait pas le même que dans le système Terre-Lune (tellurique).
Cela ajoute une nouvelle pièce au puzzle qui permet d’avancer sur le débat de l’âge du système de Saturne, de la formation de ses anneaux et de ses satellites.
Qu’est-ce que cela implique pour Titan et pour Saturne ?
Cela ajoute une nouvelle pièce au puzzle qui permet d’avancer sur le débat de l’âge du système de Saturne, de la formation de ses anneaux et de ses satellites. Nos résultats sont aussi en concordance avec la nouvelle théorie de Fuller et al. qui explique et prédit comment les planètes affectent les orbites de leurs satellites, en opposition avec les modèles plus « historiques » qui sont utilisés depuis près de 50 ans.
Et pour notre Système solaire ?
En démontrant que l’âge et la formation du système saturnien doivent être revus, nous ouvrons un nouveau champ d’investigation : les mêmes théories « classiques » et formules qui décrivaient alors l’expansion des satellites naturels ne peuvent plus être appliquées à l’ensemble des lunes du Système solaire. En conséquence et plus généralement, cela implique un réexamen de nombreux objets astrophysiques, allant des lunes de Jupiter aux systèmes d’étoiles multiples, sans oublier les exoplanètes qui gravitent autour d’autres étoiles que le Soleil.