Coach en prise de parole, Laura Sibony intervient à SUP’Internet dont elle est marraine de la promotion 2019. Elle est l’auteure d’un ouvrage pratique sur l’art de s’exprimer, construit autour de fiches, d’exercices, de défis et de mises en situation.
C’est un paradoxe pour une grande timide que d’écrire un livre sur la prise de parole…
Les gens s’imaginent que l’éloquence – un mot pompeux – est forcément associée à la prétention et aux grands effets de manche… Mais ce n’est pas le cas. Avec ce livre, je souhaite donner des outils pour se sentir à l’aise et structurer un discours, pas forcément pour parler à une foule. La première partie s’intéresse aux techniques (l’élocution, la gestuelle, le regard…), la seconde traite du lâcher-prise (développer sa spontanéité, sa confiance en soi, le rapport au public, l’écoute active…). Il s’adresse au grand public, comme une sorte de manuel, agrémenté de fiches pratiques qui parlent aussi bien de l’oral du bac que de la manière de se présenter. On sait tous parler, mais pas forcément de manière à ce qu’il y ait le moins de différence possible entre ce qui est dit et ce qui est compris. Il existe pour cela quelques trucs et astuces.
Prendre la parole, s’exprimer, permet de gagner confiance en soi.
On gagne de nouveaux outils pour s’exprimer, car cela tient à la fois du théâtre, de l’improvisation et de la littérature. On peut y mettre son propre style, à condition d’avoir confiance en soi et oser être soi-même. Il ne faut surtout pas tomber dans ce qu’on imagine que les gens attendent, mais être en interaction avec ses interlocuteurs.
« Un bon orateur est celui qui comprend son public et sait quand il commence à décrocher, quand il n’a pas saisi une blague ou qu’il a besoin d’un silence. Tenir un silence est sans doute la partie la plus longue à préparer. »
Quel conseil ou exercice peut-on donner pour progresser ?
Un exercice que je donne souvent, tout bête, est de prendre un numéro au hasard dans son téléphone et de tenir une conversation de 10 minutes. Le but est de chercher à savoir ce qui intéresse la personne en face, car on ne peut pas faire un monologue pendant tout ce temps. Il faut être à l’écoute. Un bon orateur est celui qui comprend son public et sait quand il commence à décrocher, quand il n’a pas saisi une blague ou qu’il a besoin d’un silence. Tenir un silence est sans doute la partie la plus longue à préparer, notamment quand on arrive sur scène ou qu’on commence sa présentation. Rester silencieux et regarder son public les premières secondes est un moment éprouvant. Mais il permet d’exister et de poser la première impression – ce qu’on appelle « l’éthos » en rhétorique.
La théorisation de la prise de parole est quelque chose de très ancien.
Oui, et il ne faut surtout pas se laisser impressionner par Démosthène ou Cicéron. Ce qu’ils donnent, ce sont surtout des techniques de rhétorique, pour la mémorisation et la structuration du discours. Mais ce qui concerne la gestuelle et la posture vient avec la pratique. Chacun possède son style et il y a des effets de mode.
En somme, il n’existe personne d’inintéressant, mais seulement des gens qui ne savent pas se présenter…
J’en suis convaincue ! Je conseille aux étudiants d’improviser une conférence sur un sujet absurde ou inexistant, comme parler par exemple de l’hippocampéléphantocamélos [l’animal imaginaire évoqué dans Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand] : quand on veut, on trouve toujours quelque chose à dire.
Quelles sont les tendances actuelles en matière de prise de parole ?
Il y a des effets de mode que l’on retrouve notamment dans les introductions. À un moment, on racontait beaucoup d’histoires, surtout dans le milieu politique : une mode des anecdotes du quotidien, censées permettre au public de se projeter. Aujourd’hui, comme on parle de plus en plus de l’éloquence, on prête beaucoup plus d’attention à la construction du discours, au storytelling. C’est d’ailleurs de plus en plus intégré à l’enseignement. J’ai le sentiment qu’on favorise beaucoup plus la diversité et que les effets de mode sont moins présents.
► « L’école de la parole » de Laura Sibony (Hachette)