Christian Poulot : « Le luxe est mort, vive les luxes ! »

La digitalisation a totalement bouleversé le secteur du luxe et en est devenue le moteur de croissance principal. Mais ce changement est également intervenu au niveau de la sémantique. C’est la définition du luxe qui s’est fragmentée en le rendant accessible au plus grand nombre. Un paradoxe pour un univers qui s’est toujours concentré sur une clientèle restreinte. Ces profonds changements, l’univers du luxe a mis du temps à les appréhender, aussi bien au niveau de la clientèle, qui n’est plus la même, qu’au niveau des métiers dont beaucoup n’existaient pas il y a peu.

Par Christian Poulot, directeur des études de Moda Domani Institute

Historiquement, le luxe est synonyme d’avant-garde dans les savoir-faire et la création. Aujourd’hui, il s’étend aussi dans le développement technologique ainsi que dans l’expérience et la relation client. Dans un univers où tout est à (ré)inventer, cette révolution se présente comme une opportunité à saisir par tous les acteurs (formateurs, entreprises, etc.), car la révolution digitale a réduit les espaces, entraînant de profonds changements sociétaux et le luxe, lui, s’est en quelque sorte globalisé.

En devenant plus accessible, le luxe est confronté à un nouveau paradigme : celui d’être multiple, si bien qu’aujourd’hui on ne parle plus de luxe, mais de luxes. Cette polysémie du luxe fait que, si posséder un article dit de luxe était auparavant l’apanage d’une frange réduite de la population, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le luxe est à la mode et présente plusieurs sous-genres. On parle désormais de « luxe premium », de « luxe accessible » ou encore « d’ultra-luxe ». C’est bien la définition de celui-ci, sa signification, sa valeur qui se sont amplifiées au regard d’une nouvelle clientèle devenue plurielle et plus fluide.

À cela répondent différents modèles économiques, de nouveaux profils clients qui réclament de nouveaux profils professionnels.

Embrasser de nouvelles dynamiques

À l’orée des années 2000, les marques traditionnelles de l’univers du luxe ont vu d’un mauvais œil cette démocratisation des flux due à la révolution numérique. Les défilés de mode et les salons sont assaillis par des hordes de blogueurs postant et commentant les défilés de manière non contrôlée, bouleversant les hiérarchies. Les secteurs de la communication, la publicité, puis le marketing, la production et le design en sont transformés. Une marque de luxe se doit de segmenter, de proposer des produits de luxe de gammes différentes, « à la fois des produits ordinaires pour un client extraordinaire et un produit extraordinaire pour un client ordinaire », a pu dire Katia Hersard, directrice e-commerce et marketing de la Fnac. Il n’existe plus un seul type d’acheteur, il n’existe plus un seul luxe.

« Les marques de luxe font face à une nouvelle génération de consommateurs, avec leurs comportements et leurs codes, qui jonglent entre les canaux et sont férus d’expériences hors normes et multisectorielles. »

Les marques de luxe ont dû repenser la notion de service et recréer une expérience en ligne à l’instar de ce qui se passe lorsqu’on pousse les portes d’une boutique. Quelle relation établir entre son site institutionnel et «sa « communauté » sur les réseaux sociaux ? Quelles histoires raconter selon les plateformes ? Comment remplacer la cérémonie de vente ? Autant de nouveaux défis.

Aujourd’hui, l’univers du luxe est sorti de l’inertie du début des années 2000 et s’est raccroché à la dynamique de la transformation digitale, retrouvant ainsi son ADN avant-gardiste, multipliant les expériences fortes pour une clientèle historique et haut de gamme et créant de nouveaux produits pour les nouveaux consommateurs.

S’adapter à de nouveaux codes

Outre ces nouvelles dynamiques nécessaires à leur survie, les marques de luxe font face à une nouvelle génération de consommateurs, avec leurs comportements et leurs codes, qui jonglent entre les canaux et sont férus d’expériences hors normes et multisectorielles. Collaborations et séries limitées deviennent indispensables pour écouler de nouveaux produits.

Le luxe se retrouve également face à une nouvelle génération de marques (les DNVB du luxe) prêtes à détrôner les marques traditionnelles : s’adapter et innover deviennent les mots d’ordre.

Entre le désir d’embrasser ces nouveaux codes et les moyens à mettre en œuvre, l’entreprise doit déployer de nouvelles pratiques pour gérer les fractures culturelles, managériales et technologiques.

Former de nouveaux talents

Digital will save us all! Pour ne pas subir le destin des dinosaures, les marques de luxe doivent s’adapter au nouvel écosystème en vigueur car « une marque de luxe ne doit pas vieillir avec ses clients ».

Les attitudes traditionnelles, celles où business et créativité étaient des domaines distancés, ne sont plus possibles. Le digital favorise les transversalités entre les domaines : la gestion de la data, l’IA influencent le marketing et les services informatiques se concentrent sur la relation client. L’entreprise possède les outils et sait que pour conserver son leadership elle doit rebooter son système, reste à savoir comment.

« Nous accompagnons l’émergence de talents capables d’apporter au luxe de nouvelles opportunités, une nouvelle vision. »

À Moda Domani Institute, nous permettons à nos étudiants de s’emparer des codes de leur génération, de ces nouveaux enjeux, de ces nouvelles dynamiques et de ces nouveaux métiers de l’e-commerce, du marketing digital, de l’analyse de données.

Nous accompagnons l’émergence de talents capables d’apporter au luxe de nouvelles opportunités, une nouvelle vision. Pour cela, nous formons des creative managers (en leur apportant une culture luxe et artistique indispensable) ainsi que la formation business (marketing digital, communication, management, e-influence, etc.).

Si pendant des années ces deux pôles cohabitaient, ils sont aujourd’hui indissociables. Notre pédagogie par projets, bâtie sur de nombreux workshops, permet aux étudiants de développer cette « hybridité » tant recherchée, qui fait le pont entre création et business.

Cette hybridité qui s’impose sonne-t-elle la disparition du luxe ? Si c’est le cas, alors le luxe est mort, vive les luxes ! Et chacun y trouvera son compte !

N’oublions pas que l’ADN du luxe, c’est de prendre l’initiative !


► Cette tribune n’engage que son auteur. Avec cette rubrique, IONIS Education Group souhaite ouvrir un espace de dialogue et de réflexion sur l’éducation.

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