Depuis le début de son déploiement en France en 2020, la 5G fait couler beaucoup d’encre. Des nouvelles opportunités technologiques qui s’ouvrent jusqu’aux théories du complot injectant des puces 5G dans les vaccins anti-covid, le débat est on ne peut plus animé. Afin d’y voir plus clair et de comprendre les enjeux de cette nouvelle technologie, rencontre avec Danyl Semmache (Epitech Paris promo 2017), 5G R&D Software Engineer chez Nokia.
« Je suis ingénieur informatique au sein de Nokia, mon rôle est de designer et développer la 5G sur systèmes embarqués, en real-time, avec le langage de programmation C++. Pour faire simple, je crée de nouvelles fonctionnalités sur les composants qui sont au cœur de la 5G. Actuellement, j’interviens sur le gNB (gNodeB). Ce dernier se situe au niveau des couches logicielles de Niveau 2 (User Plane) et de Niveau 3 (Control Plane). En plus de la mise à jour et de la maintenance de certains composants, ce rôle nécessite aussi de réaliser des interventions ou des astreintes en support client dans plusieurs pays, tels que les États-Unis, la Finlande, la Pologne et la Corée du Sud. »
« Après le rachat de la branche mobile de Nokia par Microsoft, le géant finlandais a recentré ses activités BtoB dans l’infrastructure réseau et les logiciels. En quelques années, ce dernier a réussi à devenir l’un des cinq fournisseurs clés de la 5G dans le monde avec Ericsson, Huawei, Samsung et ZTE. »
Définition de la 5G
« La 5G, ou 5G NR (New Radio), dont le nom officiel est IMT-2020, est la cinquième génération de réseaux mobiles. La 5G va utiliser plus de fréquences et des fréquences différentes de la 4G. Elle va tout d’abord permettre de désengorger le réseau 4G, proche de la saturation, et une montée en débit significative. »
« Grâce à des débits beaucoup plus élevés, une latence beaucoup plus faible et la possibilité de prendre en charge un plus grand nombre d’appareils, la 5G va aussi permettre, à terme, de développer des usages totalement différents de la 4G, comme la télémédecine, les véhicules autonomes, ou l’automatisation des usines. La bande des 3,5 GHz a été attribuée en exclusivité à la 5G. Les opérateurs pourront également utiliser de la 5G dans la bande des 700 MHz et celle des 2,1 GHz, déjà attribuées à la 4G, mais à condition d’avoir du spectre disponible. À terme, la bande des 26 GHz sera également attribuée à la 5G. »
Ici, le futur est à portée de main.
« Les quatre bandes de fréquences utilisées par la 5G ont toutes des propriétés différentes. La bande des 700 MHz est celle qui va assurer la meilleure couverture mobile. La bande des 26 GHz est celle qui offrira les meilleurs débits. Et, la bande des 3,5 GHz et celle des 2,1 GHz sont celles qui offrent le meilleur compromis entre débit et portée du signal. »
« Chaque nouvelle génération amène son lot d’innovations : ici, le futur est à portée de main. »
Et dans l’Hexagone ?
« En France, quatre opérateurs ont acheté des fréquences 5G dans la bande des 3,5 GHz. Il s’agit de Orange (90 MHz), SFR (80 MHz), Bouygues Telecom (70 MHz) et Free (70 MHz). Fin 2020, les quatre opérateurs commercialisent leurs offres 5G et c’est la course à celui qui aura la plus grande couverture et la meilleure performance au meilleur prix. »
« À l’heure actuelle, seules certaines villes en sont équipées, comme Nice par exemple. La 5G est en cours de déploiement en Île-de-France et s’apprête à faire son entrée dans la capitale. Pour le moment, il s’agit uniquement de 5G-NSA. NSA signifie « non-standalone access ». C’est un mode de déploiement de la technologie 5G qui s’appuie sur les installations existantes du réseau 4G afin de monter graduellement en puissance pour proposer des débits plus importants. Ainsi, en 5G-NSA, un smartphone compatible 5G se connectera au réseau 5G en complément du réseau 4G selon les conditions et les disponibilités. »
« Par opposition, SA signifie « standalone access ». C’est le réseau 5G qui dispose de ses propres installations. La 5G SA comporte d’importantes améliorations en matière de débit et de latence pour les utilisateurs, et est totalement indépendante du réseau 4G. Cette évolution 5G-SA ne sera disponible partout qu’après son déploiement. »
« En synthèse, la 5G va apporter plusieurs révolutions dans de nombreux domaines : IoT, automobile, santé, industrie, IA, mais aussi la réalité augmentée (RA) ou encore le divertissement avec le développement des jeux vidéo en streaming. Avec un débit dix fois plus élevé que la 4G et une latence du réseau qui devrait passer de 10 à 1 ms, la 5G offrira une connectivité bien plus accrue et sans baisse de performance. Grâce à une meilleure couverture réseau, l’objectif est de pouvoir multiplier la connexion d’appareils à basse consommation, et nécessitant des débits réduits, sur une même zone. À terme, la 5G permettra de réduire de 90 % la consommation d’énergie du réseau en utilisant des modules particulièrement économes, limitant ainsi son impact environnemental. »
L’Internet des objets (IoT)
« Le nombre d’objets connectés va être amené à passer de 700 millions aujourd’hui à 3,2 milliards en 2023. Actuellement, un foyer en France compte en moyenne une vingtaine d’objets connectés. La problématique est que la plupart des IoT sont reliés à Internet via le Wi-Fi. Les box internet risquent de vite se retrouver submergées par tant de connexions simultanées. Avec la 5G, nous pourront gérer plus d’objets connectés, permettant aux consommateurs de bénéficier d’une meilleure fiabilité pour leurs IoT. L’idée c’est que chaque objet connecté se verra doté de sa propre connectivité 5G. Ce sera donc non seulement plus rapide, mais la problématique de saturation du réseau sera aussi résolue. »
« Les IoT pourront se connecter au Wi-Fi lorsque cela sera nécessaire. Outre l’amélioration de la rapidité, les réseaux 5G seront plus fiables, permettant des connexions plus stables. La 5G est conçue pour apporter un niveau de sécurité supérieur à celui de la 4G. C’est un facteur extrêmement important pour tout IoT, mais plus particulièrement pour les serrures connectées, les caméras de sécurité ou tout autre système nécessitant des mises à jour en temps réel. Dans le domaine de la domotique, cela va permettre de réduire les lags et d’améliorer la rapidité avec laquelle les objets connectés envoient et reçoivent des données et des notifications. Ce sera ainsi l’avènement des smart cities. »
Les voitures connectées et autonomes
« L’arrivée des véhicules connectés et autonomes avec la 5G va bouleverser notre quotidien. Une voiture autonome sera par exemple en capacité de communiquer avec la signalisation routière afin de réguler sa vitesse pour ne pas avoir à s’arrêter au feu rouge, et ainsi fluidifier la circulation. Ou encore, l’automatisation de l’ouverture de votre portail et porte de garage quand votre voiture arrivera, la communication entre les véhicules pour qu’ils adaptent leur vitesse. En résumé, tout le trafic sera fluidifié par les voitures autonomes et les objets avec qui ils échangeront des informations. La 5G et la démocratisation des voitures autonomes et connectées changeront toute notre façon de conduire et de nous déplacer. Dans un futur proche, la route deviendra un lieu plus sûr pour les piétons et les conducteurs. Aujourd’hui, tous les constructeurs automobiles sont sur le sujet. »
La santé 3.0
« Avec une connectivité plus performante que les générations précédentes de réseaux mobiles, la 5G permettra de démocratiser les consultations et les opérations chirurgicales à distance. La médecine à distance progresse, en particulier dans le contexte du Covid-19, pendant lequel le recours à la téléconsultation a considérablement augmenté. »
« En France, 11 % des consultations se sont faites à distance contre moins de 1 % avant la crise. Aussi, avec des débits qui assureront une meilleure qualité d’image et plus de fluidité, la 5G va permettre à des chirurgiens munis de bras automatisés connectés d’opérer des patients à distance dans le monde entier. Une première intervention de ce type a eu lieu en Chine en avril 2019, où 3 000 kilomètres séparaient le chirurgien du patient. Ce dernier, atteint de la maladie de Parkinson, devait se faire implanter un neurostimulateur. D’une durée de 3 heures, l’opération a été un vrai succès, démontrant ainsi l’application de la 5G dans le domaine chirurgical. »
L’industrie 4.0
« Le concept d’industrie 4.0 – ou 4e révolution industrielle – repose sur la communication permanente, sur un même site industriel, entre les nouvelles technologies, les données et les collaborateurs. Un « mix » qui permet d’optimiser toute la chaîne de processus industriels, depuis la R&D jusqu’à la supply chain. En ce sens, l’usine du futur se veut un condensé des meilleures technologies existantes : intelligence artificielle, machine learning, robotique, big data, objets connectés et réseaux de dernière génération. »
« La 5G va non seulement connecter l’ensemble des machines et systèmes entre eux, via un seul réseau, mais également accélérer la communication homme-machine pour une réactivité optimale et une efficacité renforcée. On parle alors ici de M2M (Machine-to-Machine). Dans cette optique, Mercedes-Benz a interconnecté ses machines et équipements tout au long de sa chaîne de production grâce à des objets connectés reliés en 5G. Le constructeur allemand entend ainsi améliorer le rendement de ses équipes de 25% dans son usine 4.0 de Sindelfingen. Les données transmises en temps réel permettent alors aux salariés de suivre très précisément chaque véhicule et d’intervenir très rapidement en cas de problème. Associée à l’intelligence artificielle, la 5G va permettre de bénéficier de tous les avantages du big data et ainsi favoriser la mise en œuvre d’une analyse prédictive de la production. »
5G : dangers, Covid-19 et théories du complot
« Les débats sur les effets des réseaux mobiles sur notre santé sont récurrents et l’arrivée de la 5G a bien sûr relancé ces interrogations. À cela s’ajoutent les théories du complot toujours plus fantaisistes, comme l’idée que « la 5G pourrait contribuer à propager la pandémie de coronavirus ». Après des recherches sur le sujet, l’ICNIRP (Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants) a publié ses conclusions en mars 2020 : la 5G est sans danger pour notre santé du moment que les recommandations de la commission sont respectées. Les craintes autour du nouveau réseau viennent essentiellement des ondes millimétriques, mais les recommandations de la commission sont valables pour tout le spectre de 100 kHz à 300 GHz, soit bien au-delà des ondes millimétriques. En plus de cela, chaque constructeur est tenu de respecter la norme internationale 3GPP, l’organisme international en charge de définir les spécifications techniques des réseaux mobiles. »
Ce n’est pas tant la 5G qui représente un danger pour la santé, mais plutôt le téléphone mobile.
« En 2011, l’OMS a qualifié les ondes électromagnétiques comme ‘peut-être cancérogènes pour l’homme’. Mais, la recherche n’a pas pu établir de lien de cause à effet. En France, des études sur la 5G sont en cours, mais elles semblent exclure un quelconque danger de la 5G sur la santé. Au moins à court terme. La 5G va mécaniquement faire augmenter le niveau d’exposition aux ondes. C’est normal, puisqu’on ajoute de nouvelles fréquences et que notre consommation d’internet mobile augmente. Mais, à quantité égale de data, la 5G émettra moins d’ondes que la 4G et fera diminuer les risques liés aux rayonnements. Car le traitement du signal est différent. En réalité, ce n’est pas tant les ondes de la 5G ou de la 4G qui représentent un danger pour la santé, mais plutôt le téléphone mobile. La différence de niveaux d’exposition entre un téléphone mobile, une personne et les antennes relais, est très élevée, de l’ordre de cent ou mille fois plus élevé pour le téléphone mobile. »
La pédagogie Epitech, un apprentissage vitesse 5G ?
« Epitech, c’est une vraie expérience humaine. J’ai eu la chance d’y rencontrer des gens formidables, que ce soit pendant la Piscine, au fil des projets des différents ou lors des évènements de la vie étudiante du campus. »
Durant ces cinq années à Epitech, on m’a appris à apprendre à apprendre
« Lors de mon année d’échange international au Bahreïn, dans le golfe Persique, j’ai eu la chance de pouvoir suivre des cours en développement d’applications mobiles Android en Java, langage de programmation que j’ai appris lors de ma troisième année au sein de Epitech. Dans la même année, j’en ai également profité pour monter en compétence de manière autodidacte sur le langage de programmation Swift afin de pouvoir aussi créer des applications mobiles iOS. De retour en France, j’ai décroché un stage dans un cabinet de conseil réputé en tant que développeur mobile iOS. J’ai tellement été une machine de travail chez Epitech qu’au final, quand on en sort, on garde ce rythme-là. »
« Durant ces cinq années à Epitech, on m’a appris à apprendre à apprendre. Avec cette pédagogie, je n’ai eu aucune crainte à l’idée de me lancer dans le domaine des télécoms alors que je n’y connaissais rien. J’ai vu cela comme un challenge, une opportunité. Je l’ai tenté, je l’ai fait. »