Celine Berrier-Lucas est enseignante-chercheuse à l’ISG, spécialisée dans la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Elle est aussi coéditrice en chef de La Revue de l’Organisation Responsable, une publication académique qui s’intéresse, à travers différents champs disciplinaires, aux nombreuses interactions liées au déploiement de la RSE – un thème central du management qui dépasse largement son cadre.
Qu’est-ce que La Revue de l’Organisation Responsable (ROR) ?
La revue, qui fête ses 15 ans, accueille une réflexion critique sur les développements du capitalisme actuel. Fondée en 2006 par Jacques Igalens, directeur de Toulouse Business School, elle a pour objet d’étude la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Les questions posées par les chercheurs amènent à s’interroger sur l’ensemble des activités économiques modernes autour du travail, de la production, de l’échange et la consommation. C’est la seule revue scientifique francophone des classements FNEGE, CNRS et HCERES dédiée aux problématiques du développement durable, de la RSE et de la transition écologique. Si son ancrage premier était le management, la revue s’est très rapidement ouverte à toutes les disciplines (droit, sociologie, histoire, géographie, anthropologie…). Cette réflexion transdisciplinaire fait partie de son ADN, car, par essence, les enjeux de la RSE le sont. Depuis 2006, la ROR a publié 144 articles provenant du monde entier dans 30 numéros posant des jalons pour comprendre notre monde contemporain.
Ce travail d’édition de revue académique, une activité bénévole, est rarement mis en avant. Pourtant, il fait partie de notre métier et permet de faire vivre la recherche.
Depuis 2019, vous en êtes la coéditrice en chef. En quoi cela consiste ?
Avec les deux autres éditeurs en chef, Élise Penalva-Icher (IRISSO – Université Paris-Dauphine) et Vivien Blanchet (em Lyon), nous définissons la ligne éditoriale et veillons à son respect en décidant des papiers qui seront intégrés dans le processus d’évaluation. Comme dans toute revue scientifique, la publication d’un article académique est le fruit de longs mois d’échanges entre son auteur et les deux évaluateurs anonymes conformément au principe du peer reviewing (évaluation par les pairs). Un éditeur associé viendra renforcer ce dispositif de son expertise afin d’établir la décision éditoriale. Avant qu’un papier soit publié, il fait l’objet de deux tours d’évaluations par les pairs. Un formidable travail d’équipe au service des auteurs et de leurs projets scientifiques ! Aujourd’hui la ROR c’est trois éditeurs en chef, trois éditeurs associés, un secrétaire de rédaction et deux conseillers auprès du Comité de rédaction. En parallèle, je dois faire vivre la revue avec des projets scientifiques stimulants, comme des numéros spéciaux, la représenter et la promouvoir au sein de la communauté scientifique (interventions dans des colloques, animation d’ateliers d’écriture avec de jeunes chercheurs…). Ce travail d’édition de revue académique, une activité bénévole, est rarement mis en avant. Pourtant, il fait partie de notre métier et permet de faire vivre la recherche. Sans lui, les publications scientifiques n’existeraient pas. C’est un travail énorme avec de grandes responsabilités qui prend beaucoup de temps, en plus de nos recherches et des cours que nous donnons.
Quel impact la crise actuelle aura-t-elle sur la responsabilité des entreprises ?
L’année dernière aura clairement démontré la nécessité de penser les choses de façon plus complexe, de voir l’ensemble des chaînes d’impacts et que les prises de décision isolées s’enchevêtrent avec différentes dimensions. L’impact du virus sur le fonctionnement économique en est l’illustration. On remarque l’importance prégnante de la RSE et du développement durable. Sur nos terrains d’étude, les entreprises, on remarque l’indispensable nécessité d’intégrer les impacts sociaux et écologiques dans les prises de décisions stratégiques. C’est de plus en plus fort.
C’est aussi une aspiration des plus jeunes actifs pour qui ces valeurs sont désormais incontournables dans leurs choix professionnels ?
C’est effectivement le deuxième effet de cette crise que l’on voit auprès de nos étudiants : une prise de conscience, doublée d’un investissement personnel, beaucoup plus importante sur ces aspects, à commencer par la transition écologique. C’est une vraie demande de la part des jeunes professionnels et des étudiants. Je le vois dans le cours de RSE que je donne à l’ISG – ils ont de plus en plus d’intérêt pour ce champ disciplinaire – et dans le choix des sujets de mémoires de fin d’études dans lesquels ils intègrent ces dimensions dans leurs réflexions.
À l’automne, vous sortirez un numéro anniversaire pour les 15 ans de la revue. De quoi parlera-t-il ?
Il sera l’occasion de mettre en avant des essais critiques de chercheurs faisant un bilan de 15 années de réflexion sur le développement durable et la RSE. Il contiendra aussi des publications traçant des voies de recherche. Nous souhaitons saisir notre monde dans sa complexité. Cette ambition est d’autant plus prégnante que l’urgence climatique et la crise sanitaire, la transformation digitale et les mutations économiques, les politiques publiques et les récents mouvements politiques ( les Gilets Jaunes, #BlackLiveMatters et #MeToo etc) ne cessent de mettre à l’épreuve les sciences sociales dans leur compréhension des enjeux socio-environnementaux. Face à ces évolutions, nous voulons voir ce qui a été fait et voir quelles nouvelles problématisations développer. Pensons pêle-mêle à l’économie circulaire, au commerce équitable, aux plateformes numériques, aux énergies renouvelables … Un numéro riche et programmatique. On en reparle à la rentrée 2021 !