« Réaliser de grandes choses avec de petits moyens »

Mathis Bourgnon (ISG promo 2021) est un navigateur émérite. Depuis qu’il s’est lancé sur les flots, il a battu avec son père, le célèbre skipper Yvan Bourgnon, plusieurs records du monde et possède un palmarès impressionnant malgré son jeune âge. Leur prochain défi commun ? S’attaquer à la traversée de l’Atlantique en catamaran de sport – une performance difficile que peu de marins ont réussi jusqu’à présent

Quel est ton parcours ?
J’ai commencé des études d’ingénieur à l’ESME Sudria, mais je me suis rendu compte que cette voie ne correspondait pas à ce que je voulais faire. J’ai donc ensuite pu intégrer l’ISG, où à côté de mes cours, je peux pratiquer la voile à haut niveau. J’ai ainsi battu trois records mondiaux en catamaran de sport : la traversée de la Manche, la traversée de la Méditerranée et la plus grande distance parcourue en 24 h (en 2019, dont l’ISG était partenaire). Généralement, avec mon père, nous réalisons ces performances sur de petits bateaux et des budgets modestes.
Notre prochain défi consistera à battre le record de la traversée de l’Atlantique, de Dakar (Sénégal) à la Guadeloupe. Le record actuel est de 11 jours. Il est détenu par des Italiens et nous allons tenter de faire cette traversée en 10 jours, voire moins. C’est en quelque sorte le dernier grand record qui nous manque et le plus prestigieux. Depuis le premier en 1986, seuls une dizaine de marins y sont parvenus. C’est un gros challenge ! Nous tablons de réaliser cette traversée en décembre ou en janvier 2022.

Où en êtes-vous dans l’avancement du projet ?
Le début de l’année va être en priorité consacrée au montage du projet. En parallèle, nous concourons sur plusieurs régates pour nous entraîner et garder la forme. Puis, il nous faudra le même temps pour nous préparer. Même si on pourrait penser que nous avons le temps, nous sommes déjà dans le rush ! Sans compter qu’il faudra amener le bateau de la France vers le Sénégal. Le dossier étant déjà monté, nous nous concentrons maintenant sur la recherche de sponsors. C’est une question vitale car nous sommes une petite équipe avec un petit budget. La construction du bateau débutera en juin et durera 3 à 4 mois. Nous voulons montrer qu’avec de petits moyens, on peut quand même réaliser de grandes choses. Cet esprit minimaliste nous correspond parfaitement. Notre budget total est de 280 000 €, sachant que la construction du bateau s’élève à 220 000 €. Il faut savoir que pour les prétendants à la victoire des courses les plus connues, comme la Transat Jacques-Vabre ou le Vendée Globe, on parle de montants 10 fois supérieurs…

Nous sommes en permanence mouillés, à la merci des vagues, avec les pieds au-dessus de l’eau. On peut chavirer à chaque instant !

Comment se passe la vie sur un catamaran de sport ?
On vit sur un m² à deux ! Il faut bien comprendre que nous n’avons pas d’abri. Nous sommes en permanence mouillés, à la merci des vagues, avec les pieds au-dessus de l’eau. On peut chavirer à chaque instant ! Nous dormons à la belle étoile. Seules des petites ailes exportées et en hauteur sur les côtés du bateau, de la largeur des épaules, nous permettent de mettre du matériel et de nous asseoir ou de nous allonger. Comme nous n’avons pas de pilote automatique, nous avons l’obligation qu’une personne soit en permanence à la barre. Nous faisons des roulements et pour nous nourrir, comme nous n’avons pas de réchaud, nous nous contenterons de petites choses en sachet comme des barres de énergisantes. Pour l’eau, nous partirons avec quelques réserves (indispensable en cas d’avarie) et en devrions en récupérer avec la voile – une technique aujourd’hui très aboutie.

Comment fais-tu pour concilier tes études avec ta vie de sportif de haut niveau ?
J’y arrive plutôt bien et les deux se passent plutôt bien ; j’ai de bons résultats à l’école et sur l’eau ! Je n’ai dû rater qu’un seul jour de cours à cause de la voile. Je fais en sorte que les deux ne se chevauchent que très rarement. La plupart des régates et des compétitions se déroulent généralement l’été ou les week-ends. Mais je m’organise, avec un emploi du temps chargé et je fais beaucoup d’allers-retours à Paris.

Comment envisages-tu ton avenir professionnel ?
Pour le moment, je dépense beaucoup d’énergie dans la voile. Mais je ne mets pas de pression et même si je compte a priori devenir navigateur professionnel, j’envisage de poursuivre mes études par un Master, ce qui me permettrait de poursuivre mes projets à côté. Tout dépend des sponsors que je pourrai trouver, au-delà de notre traversée de l’Atlantique, et qui me permettraient de monter de nouveaux projets, en particulier pour de grandes courses. Dans tous les cas, je veux poursuivre mes études qui sont une forme de sécurité pour l’avenir.

En réalité, faire de la voile de la voile à haut niveau comporte une très grande partie, peu visible, de montage de projet.
C’est vrai et c’est d’ailleurs ce qui m’a poussé à m’inscrire dans une business school. Toute cette partie de recherche de sponsors, montage de dossier et gestion d’équipe, est quelque chose qui me passionne. D’autant plus que nous n’avons pas d’agent pour nous accompagner : on se vend nous-mêmes. Dans la voile, on sponsorise surtout des profils, plus que des projets. Il faut raconter une histoire.

Qu’est-ce qui vous rend le plus fier lors de vos records ?
La première chose est en rapport direct avec mes études : voir que l’on a réussi à monter un projet entier et qu’on l’a fait exister. La seconde, c’est de voir qu’on a réussi à se dépasser, qu’on a accompli quelque chose d’unique. Enfin, rendre fiers nos proches et nos amis est une immense satisfaction.

L’école m’apprend à démarcher et vendre mon projet – élément que maîtrisais plutôt mal au début.

Qu’est-ce que l’ISG t’apprend ?
Plein de choses, mais sans doute particulièrement la capacité à monter et piloter un projet. L’école m’apprend à démarcher et vendre mon projet – élément que maîtrisais plutôt mal au début. Ce côté marketing m’apprend à attirer l’attention et me sert beaucoup pour savoir comment aborder les entreprises pour qu’elles deviennent des partenaires. Également pour la partie comptabilité et administrative, pour tenir un budget ou monter une structure. J’ai aussi beaucoup progressé à l’oral, car j’étais plutôt timide…

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