Face à la crise actuelle, Epitech a souhaité répondre aux questions de ses étudiants en donnant la parole à des médecins et spécialistes. Le 11 janvier, plus de 1 800 élèves ont assisté à une conférence de sensibilisation aux risques physiques et psychosociaux liés à l’épidémie de Covid-19, organisée avec les Hôpitaux Confluence.
Pour répondre aux nombreuses questions posées par les étudiants, les Hôpitaux Confluence (qui regroupent les hôpitaux intercommunaux de Créteil et de Villeneuve-Saint-Georges) ont donné la parole à plusieurs des ses praticiens lors d’une conférence inédite. Pauline Caraux-Paz (cheffe de service des maladies infectieuses et tropicales et membre de la cellule de crise de l’hôpital intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges), Layla Yahyaoui (cheffe de service des urgences et membre de la cellule de crise de l’hôpital intercommunal de Créteil), Maxence Laroye (psychiatre à l’hôpital intercommunal de Créteil)
et Martin Trichet (ancien interne au service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges) ont ainsi pris de leur temps pour échanger pendant près de deux heures avec les 1 800 étudiants présents en ligne. Parmi les principaux sujets de discussion : le point sur la situation et son évolution prévisible, la stratégie vaccinale, le mode d’action du vaccin, ainsi que l’impact psychologique de cette période de crise.
Une organisation inédite au sein des hôpitaux
Durant leurs interventions, les docteures Pauline Caraux-Paz et Layla Yahyaoui sont revenues sur l’organisation logistique mise en place lors de la première vague afin de prendre en charge rapidement les malades. Il avait alors fallu se réorganiser pour faire face à l’afflux massif des patients qui présentaient des pathologies respiratoires.
Si une période plus calme a bien été enregistrée entre juin et août 2020, les deux cheffes de services ont progressivement assisté, en septembre, à l’augmentation de l’arrivée de nouveaux patients atteints du SARS-CoV-2. Au point d’atteindre un nouveau seuil critique, lors de la deuxième vague, en octobre. Il a alors fallu mobiliser à nouveau des lits et dédier intégralement des services à l’épidémie.
Puis, avant la fin d’année, les nouvelles dispositions prises ont permis d’alléger la charge des hôpitaux . Mais si le nombre d’hospitalisation s’est stabilisé, les praticiens redoutent désormais un rebond lié aux fêtes et au nouvel an – une légère remontée des hospitalisations se faisant déjà sentir. À celle-ci s’ajoute la charge supplémentaire liée à la reprogrammation des interventions reportées lors du premier confinement.
Vaccination : comment ça marche ?
De nombreuses questions ont porté sur tout ce qui peut être dit au sujet des vaccins. Pauline Caraux-Paz a ainsi souligné l’importance de se baser sur des sources fiables d’information et a refait le point avec les participants.
- Un agent microbien entouré de couronnes
Le coronavirus est un agent microbien respiratoire, très petit par rapport à une bactérie, composé d’ARN (matériel génétique du virus). Ce matériel est entouré d’une enveloppe constituée de protéines (en l’occurrence la protéine Spike, dont l’aspect de couronne a donné son nom au coronavirus).
Les antibiotiques ne fonctionnent pas sur le virus, tout comme les antiviraux. Il n’y a donc pas, à date, d’efficacité dans le traitement. D’où l’importance des gestes barrières.
Dr Pauline Caraux-Paz
Pour cette raison, la recherche est mobilisée pour trouver une solution non pas curative mais préventive. Une seule idée : agir avant que la maladie n’apparaisse.
- Le(s) vaccin(s) à ARN
Les vaccins actuellement médiatisés, développés par Pfizer et BioNTech d’une part et Moderna de l’autre, sont des vaccins à ARN. Cela signifie qu’ils sont fabriqués en laboratoire par une molécule d’ARN. C’est un procédé inédit : il a fallu synthétiser un brin d’ARN correspondant à la protéine Spike.
Si ce brin d’ARN – une petite molécule -, était directement injecté, il n’arriverait pas à entrer dans les cellules. Il faut donc l’entourer de nanoparticules de lipides (gouttes de gras). C’est ce qui fait le vaccin.
Lors de la vaccination, il y a transport de l’ARN à la cellule de la personne vaccinée, via les lipides. Ces derniers sont ensuite éliminés. Les ribosomes, qui travaillent pour la cellule, vont lire l’ARN et se mettre à fabriquer la protéine Spike. L’ARN est quant à lui éliminé en quelques heures. « Cette protéine Spike n’est qu’une partie du virus, a expliqué le Dr Pauline Caraux-Paz. Elle ne rend pas malade et va, au contraire, mettre en route le système immunitaire du sujet. » Les anticorps vont reconnaître quelque chose de nouveau et fabriquer des anticorps spécifiques de cette protéine.
Ainsi, le jour où le sujet rencontre de nouveau le virus, ces anticorps spécialisés vont pouvoir se rendre compte de l’intrusion dans l’organisme du virus, vont le reconnaitre et stimuler d’autres agents du système immunitaire (les macrophages qui phagocytent les agents microbiens) afin de l’éliminer. L’immunité associée à ce vaccin dépend des individus mais elle est globalement de plusieurs semaines (environ 6 mois). Cependant, Pauline Caraux-Paz a reprécisé que la médecine manque aujourd’hui de recul. Par exemple, le fait de devoir se faire vacciner chaque année, comme le vaccin contre la grippe, n’est pas encore statué.
Quels risques psychologiques et comment réagir ?
Le psychiatre Maxence Laroye est intervenu sur les questions liées aux risques psychologiques. Il a ainsi rappelé que, même sans être touché directement par la maladie, chacun est impacté par les mesures de distanciation sociales qui en découlent : plus de troubles émotionnels et plus de difficultés dans les relations interpersonnelles voire intrafamiliales.
Il existe des types de groupes à risque de développer des conséquences, notamment les jeunes de 15 à 30 ans.
Maxence Laroye, psychiatre
Les risques portent tout d’abord sur les abus de substances (alcool, tabac, autre). Avec, selon lui, la possibilité que ces phénomènes perdurent au-delà du confinement, pendant les mois qui suivent. Ces pratiques à risque résultent d’une série de facteurs liés au stress : isolement, solitude, limite dans les possibilité de soutien… « La période nous impose d’aller contre ce qui serait naturel pour nous tous, ce dont on aurait le plus besoin » a remarqué Maxence Laroye.
D’autres facteurs sont évidemment à prendre en compte : crainte de la contamination ou d’infection d’autres personnes (parents, grands-parents), pertes financières, dépendance plus importante aux aides de tiers, etc.
Alors, comment agir face à l’apparition de troubles ? Cette période nourrit en effet les facteurs de stress précipitant l’arrivée de ces troubles psychologiques et mentaux, essentiellement la dépression. Mais de nombreuses actions peuvent être mises en place :
- Alors qu’on note un manque de perspectives, il est nécessaire de clarifier autant que possible et de pouvoir se projeter : « Il faut essayer de projeter des activités agréables, fréquemment, quitte à les reprogrammer à une date qui paraîtrait plausible, pour avoir des perspectives positives, comme un ravitaillement d’énergie. »
- Sélectionner ses sources d’information afin d’améliorer sa propre connaissance du virus et de la situation. Dans le même sens, réduire son exposition aux médias, créatrice de stress ambiant.
- Maintenir des routines, améliorer son hygiène de vie, être vigilant à son sommeil.
- Ne pas avoir peur de parler, de demander de l’aide et de trouver les bons tiers pour échanger.
Être étudiant et futur médecin
Durant la conférence, les étudiants ont pu écouter Martin Trichet, interne au service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges lors de la première vague. Celui-ci est revenu sur la difficulté à accepter ces contraintes quand on est encore étudiant, et plus largement à un âge où l’on aspire à être libre : « En tant qu’étudiant, comme vous, j’ai envie de sortir, d’aller au restau, d’aller au théâtre… Mais j’ai aussi ce petit rappel en tant que futur médecin : ce n’est pas le moment de baisser la garde, d’oublier les règles élémentaires. »
Il a expliqué que, lorsqu’il avait commencé à entendre parler du virus, fin 2019, il avait presque eu un sentiment d’excitation sur ce qu’il pouvait être et ce qui allait se passer. Mais très vite, sa curiosité liée à son activité a fait place à l’anxiété face à l’ampleur de la pandémie et la charge de travail qu’elle allait impliquer.
Comme beaucoup d’autres étudiants, Martin Trichet a vu ses cours habituels et conférences reportés voire supprimés ; un quotidien très monotone s’impose alors.
Même si on commence aujourd’hui à s’habituer au virus, nous n’avons pas encore fait assez de progrès pour se permettre de baisser la garde. La seule lumière : c’est le vaccin.
Martin Trichet, ancien interne
Les différents intervenants ont de nombreuses fois réaffirmé l’importance des gestes barrières, du port du masque, de l’utilisation de gel hydroalcoolique et du lavage de mains. Des gestes qui, s’ils ont « supprimé » la grippe cet hiver, démontrent également leur efficacité face à la transmission du Covid-19. Ces deux heures d’échanges ont mis en évidence l’humilité des médecins face à la pandémie. Comme le fait d’accepter de ne pas forcément tout savoir et devoir s’appuyer sur les gestes barrière, la politique de dépistage et l’espoir de la vaccination pour continuer à avancer. Les étudiants se sont également interrogés sur l’aide qu’ils peuvent, en tant que développeurs, apporter aux professionnels de santé. Epitech et ses étudiants remercient les Hôpitaux Confluence et ses praticiens pour le temps qu’ils ont pris pour répondre à toutes leurs interrogations face à une situation totalement inédite.