Locked-in syndrome : l’IA porteuse d’espoir

Dans le cadre de leur projet de fin d’études, Elisa Crespy, Julia Husson et Julie Sazerat (ESME Sudria promo 2021), trois étudiantes de la Majeure Biotech & Numérique de l’ESME, ont développé une solution utilisant l’intelligence artificielle (IA) pour venir en aide aux personnes atteintes du locked-in syndrome (LIS). Une aventure aussi humaine que technologique, menée en partenariat avec l’association ALIS et Microsoft dont nous avons parlé dans le dossier du numéro 51 consacré à l’innovation.

De gauche à droite : Elisa Crespy, Julie Sazerat et Julia Husson

Si vous avez lu Le Scaphandre et le Papillon de Jean-Dominique Bauby (ou vu son adaptation cinématographique), vous êtes alors familier avec le LIS, ce terrible mal consécutif à un accident vasculaire cérébral survenant assez bas dans la tête, à un endroit qui coupe toute communication. « Les ordres envoyés par le cerveau ne passent plus, ce qui rend la personne tétraplégique et muette, explique Véronique Blandin, déléguée générale d’ALIS. Pour autant, la personne atteinte du LIS conserve l’intégralité de ses facultés intellectuelles : elle voit tout, entend tout, comprend tout et peut encore communiquer avec les yeux. » Pour réussir à communiquer dans leur état, un grand nombre de ces personnes ont accès à un ordinateur via un clavier virtuel. Elles peuvent alors désigner la lettre désirée via un mouvement de la tête simulant la souris d’ordinateur, composer des mots et ainsi se faire comprendre. « Il y a aussi un aspect prédiction très utile, semblable à celui que nous avons tous sur nos smartphones quand nous écrivons des SMS ou sur nos moteurs de recherche Internet », détaille la responsable d’ALIS. C’est justement à ce niveau que sont intervenues les trois futures ingénieures de l’ESME Sudria, en faisant appel à l’intelligence artificielle pour améliorer cette prédiction tout en prenant en compte le contexte de la personne et ainsi accélérer la communication.

Une application pour gagner en rapidité !

« Ce projet était mené en partenariat avec Microsoft et l’association ALIS afin de pouvoir venir en aide aux personnes LIS, en leur proposant un nouveau moyen de communication plus rapide, plus fluide et moins cher, assure Elisa. L’idée était de pouvoir utiliser nos connaissances, notamment en intelligence artificielle, pour imaginer cette solution. » Autant dire que ce défi a particulièrement stimulé ce trio ayant pour point commun l’envie d’aller vers les domaines de la santé et du social pour apporter du sens à leur futur métier d’ingénieure. « On s’est vraiment « battues » au sein de la Majeure pour avoir ce projet car beaucoup d’étudiants étaient très intéressés par le sujet », confie Julie qui, comme ses deux camarades, a également profité de cette expérience pour se familiariser avec ce terrible « syndrome de l’enfermement ». « Le fait d’en apprendre plus sur le LIS, de découvrir que ces personnes communiquent principalement avec des moyens basiques et de se dire qu’avec nos compétences, nous pouvions faire quelque chose pour elles, ça nous a particulièrement motivées », affirme Elisa.

Grâce à leur implication, une première version fonctionnelle de l’application, surnommée « LISIA », a pu voir le jour. « Nous avons créé un dataset incluant certains jeux de données sur une sélection de thèmes assez réduite, comme par exemple la météo ou si la personne se sent bien ou non, mais l’objectif est d’aller encore plus loin pour faciliter encore davantage la communication des utilisateurs », souligne Julia. Un résultat qui n’aurait pas été possible sans l’engagement des partenaires. « L’association ALIS nous a surtout aidées à comprendre les attentes des personnes LIS sur de nombreux points tels que l’emplacement et le type des boutons sur l’interface ou encore les interactions avec la tablette », rappelle Elisa. « Microsoft nous a aidées pour tout l’accompagnement technique, notamment pour intégrer des notions que nous n’avions pas encore approfondies en cours, poursuit Julia. Elle a été aussi essentielle dans la mise en relation avec l’association ALIS et a suivi le projet tout au long de son développement ! »

Locked-in syndrome : l’intelligence artificielle est porteuse d’espoir
Cindy L., atteinte du locked-in syndrome

De l’espoir et l’envie d’aller plus loin

Malgré ces soutiens, la tâche n’a pas toujours été facile pour les étudiantes qui avaient à cœur de faire le maximum pour faciliter la vie des personnes LIS. Le plus gros challenge technique à leurs yeux ? Réussir à relier la partie Deep Learning / intelligence artificielle à l’interface graphique. Pas une mince affaire, certes, mais rien d’impossible pour Elisa, Julia et Julie qui, du reste, espèrent que le projet continuera à grandir sans elles. « Au fond de nous, il y a tout de même une frustration de n’avoir pas pu encore proposer quelque chose de pleinement aboutie et optimisée, concède Julie. On espère que le projet va se poursuivre et s’améliorer. D’ailleurs, cette expérience nous a donné envie de continuer à travailler en ce sens : il y a plein de choses à faire, sur le LIS mais aussi d’autres pathologies ! »

Toutefois, et même si elle n’en est qu’à sa première version, l’application conçue par le trio suscite déjà de l’espoir chez les personnes vivant avec ce syndrome. Parmi les quelques 500 personnes en France touchées par cette condition se trouve justement Cindy L., une jeune fille atteinte du LIS depuis 4 ans et suivie par l’association ALIS. Depuis ce basculement, Cindy assure voir la technologie évoluer pour l’aider à mieux vivre au quotidien, mais les changements restent encore trop lents à ses yeux. Alors, quand elle a su que de futures ingénieures aller travailler sur de nouvelles solutions, Cindy ne cachait pas son plaisir ni son impatience. « Elle a très hâte de pouvoir compter sur des projets de ce genre à l’avenir pour faciliter sa vie de tous les jours », assure Véronique Blandin alors à ses côtés. Une attente qui parle forcément aux élèves de la Majeure Biotech & Numérique. « Aider les gens comme sur ce projet, c’est vraiment la finalité de nos cinq ans d’études », conclue Julia.

Elisa Crespy, Julie Sazerat et Julia Husson
Véronique Blandin, Cindy L., l’équipe du projet, Philippe Trottin (Microsoft) et Yasmina Chenoune, enseignante-chercheuse et responsable de la Majeure Biotech & Numérique

Vous aussi, venez en aide aux personnes atteintes du locked-in syndrome !

Si les projets d’ingénierie sont importants pour changer le quotidien des personnes LIS, n’importe qui peut également aider à son échelle. C’est en tout cas le discours de l’association ALIS : « Nous avons toujours besoin de dons pour aider les personnes atteintes du LIS ; comme pour financer le fauteuil de ces dernières, comme celui qu’utilise Cindy actuellement et qui coûte 40 000 euros. Les organismes publics ne permettent pas d’allouer de telles sommes et donc nous intervenons pour collecter des fonds afin d’aider les personnes à s’équiper. Nous avons aussi besoin de bénévoles, pour accompagner des personnes LIS dans des établissements spécifiques. Par exemple, Cindy est passionnée par le cinéma, mais malheureusement, le personnel de ces établissements n’est pas toujours disponible pour de telles sorties. Les bénévoles sont donc les bienvenus ! »


Trois questions à Philippe Trottin, directeur de la mission handicap et de tous les sujets d’accessibilité numérique chez Microsoft France

Locked-in syndrome : l’intelligence artificielle est porteuse d’espoir

Quel a été le rôle de Microsoft sur ce projet ?
Chez Microsoft, à travers notre programme Share AI, nous accompagnons des projets proposés par des associations ou des startups autour de l’intelligence artificielle. Nous avions alors commencé à travailler avec l’association ALIS pour cadrer un projet et, suite à cela, nous sommes venus le proposer à des étudiants de l’ESME Sudria. D’ailleurs, l’ESME Sudria est une école que je connais bien puisque j’en suis moi-même diplômé, via la promotion 1995 ! Cela date un peu aujourd’hui ! (rires)

Qu’avez-vous pensé du travail réalisé par les étudiantes ?
C’est vraiment un travail de qualité. Elles ont été assez loin dans la démarche : en plus d’utiliser les services d’intelligence artificielle standards de reconnaissance vocale et de synthèse vocale, afin d’un côté pouvoir capturer la voix d’un interlocuteur d’une personne LIS et de l’autre restituer une réponse, elles ont complètement travaillé un algorithme d’IA pour l’adapter à différentes situations. Ce qui est aussi intéressant, c’est leur approche car elles ont d’abord itéré sur une première solution, mais comme cette dernière n’a pas abouti, elles l’ont abandonné pour partir sur autre chose. On voit vraiment ce côté chercheur dans la démarche qu’elles ont mises en œuvre. Au final, elles sont parvenues à proposer une solution idéale pour un début de projet qui sera probablement poursuivi l’an prochain avec d’autres étudiants de l’école.

Ces étudiants pourront à nouveau compter sur votre soutien ?
Oui, bien sûr ! Microsoft sera une nouvelle fois à leurs côtés pour les aider !

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