Après l’obtention de leur titre d’ingénieur, certains IPSAliens font le choix de se diriger vers la recherche pour approfondir encore davantage leurs connaissances avant, éventuellement, d’intégrer le monde de l’entreprise par la suite. C’est la voie qu’a choisie Baptiste Plumejeau (IPSA promo 2017), avec succès : en novembre 2020, il obtenait le grade de Docteur en Mécanique des fluides de l’Université Polytechnique Hauts-de-France et remportait également un prix pour sa thèse liée à l’aérodynamique. Alors qu’il se prépare à quitter la recherche pour l’industrie, cet Ancien revient sur ce parcours enrichissant.
Pourquoi avoir voulu vous orienter vers la recherche ?
Baptiste Plumejeau : Le déclic est intervenu lors de ma 3e année à l’IPSA que j’effectuais sur le campus de Toulouse. Cette année-là, nous avons eu la chance de pouvoir visiter la soufflerie du Fauga grâce à notre professeur d’aérodynamique, M. Cousteix. Et quand je me suis retrouvé dans cette soufflerie, j’ai tout de suite su qu’il fallait que je travaille là-dedans ! Deux ans plus tard, lors de ma 5e année à Paris, un autre enseignant-chercheur, M. Abassi, m’a alors proposé de réaliser mon stage de fin d’études en soufflerie, au sein du laboratoire de l’Université de Valenciennes, là où il avait réalisé lui-même un doctorat en hydrodynamique quelques années plus tôt. J’ai évidemment accepté. Et quand, par la suite, il m’a été proposé de poursuivre avec un doctorat pour continuer les travaux réalisés lors de ce stage, je n’ai pas hésité.
Comment peut-on définir ce que sont l’aérodynamique et une soufflerie ?
L’aérodynamique, c’est l’étude de l’air autour d’un véhicule, à savoir comment l’air bouge et ce que cela va engendrer sur le véhicule – de la consommation du moteur, des vibrations ou encore des déviations de trajectoire. Une soufflerie est justement un moyen expérimental permettant de réaliser des mesures et de voir ce qu’il se passe en matière d’aérodynamique en générant un vent calibré.
Tant qu’il y aura de nouveaux véhicules, on aura besoin de la recherche en aérodynamique.
Pourquoi l’aérodynamique nécessite encore de la recherche ?
De manière générale, tant qu’il y aura de nouveaux véhicules, on aura besoin de la recherche en aérodynamique. En effet, l’aérodynamique est fortement dépendante de la géométrie des véhicules. Par exemple, lors de ma thèse, j’ai étudié une Twingo GT. Et bien si je veux transposer mes travaux sur un autre modèle de voiture, cela s’avérera très compliqué : il faudrait dresser des passerelles entre les deux et retourner en soufflerie. Dans le même genre, l’aérodynamique d’une voiture et d’un camion est très différente. Et tant que ces différences existeront, des études en soufflerie seront nécessaires. Après, aujourd’hui, il y a également la simulation numérique qui entre en jeu, mais cette dernière n’est pas encore une science exacte. Elle permet d’obtenir une approximation large de ce qu’il se passe, mais pas de précision. La précision ne s’obtient qu’avec des mesures expérimentales et c’est ce que font tous les constructeurs automobiles comme, par exemple, Renault et Peugeot qui effectuent leurs expérimentations à la soufflerie S2A de Montigny-le-Bretonneux.
En novembre dernier, vous avez pu obtenir le grade de docteur. Qu’est-ce que ce doctorat représente pour vous ?
Un accomplissement. En effet, à la base, j’ai voulu passer un doctorat car je ne me sentais pas encore « prêt » à démarrer une activité professionnelle, dans le sens où je voulais encore approfondir mes connaissances. Obtenir un doctorat et faire une thèse, c’était, pour moi, le moyen de devenir un expert dans un domaine donné, mais aussi de pouvoir par la suite accéder à des postes supérieurs à celui de l’ingénieur une fois prêt à intégrer le monde de l’entreprise.
Votre thèse s’intitule « Caractérisation et contrôle actif de la trainée aérodynamique d’un corps épais pour différentes hauteurs de garde au sol : application au secteur automobile ». Cela signifie quoi exactement ?
Le « corps épais », c’est ce qu’on appelle aussi le « corps de Ahmed » : il s’agit d’une géométrie de véhicule automobile simplifiée et générique, utilisée pour palier à tous les changements de véhicules. Ce nom vient du docteur Ahmed qui, en 1984, a mis au point ce véhicule – que l’on peut décrire comme un cube possédant des bords arrondis – pour mener des études en soufflerie. Ce corps épais représente ainsi tous les véhicules du parc automobile. Or, dessus, on a remarqué qu’il y avait plusieurs instabilités et plusieurs problèmes aérodynamiques à l’arrière, dont un découvert au sein de notre laboratoire. Ce problème, appelé la bi-stabilité, va gêner la consommation au niveau du moteur. On a donc essayé de le contrôler pour réduire au maximum de 5 % la traînée aérodynamique responsable de la consommation. Pour y arriver, il y a deux façons. Il y a d’abord celle des moyens dits passifs – on ajoute des becquets, des volets, des déviations géométriques simples qui ne bougent pas –, mais cela pose problème au niveau de la sécurité et des normes des industriels. Il y a ensuite une autre méthode, via la voie du contrôle d’écoulement actif qui consiste à souffler de l’air à des endroits stratégiques de la géométrie du véhicule. Cela est plus simple à mette en œuvre, mais en contrepartie, cela rend plus difficile la mise en œuvre des lois de contrôle, c’est-à-dire une fonction mathématique codée sur ordinateur permettant de générer la commande – l’activation de l’air ou non à des moments stratégiques. C’est cette méthode qui se trouve au cœur de ma thèse.
Votre thèse s’appuyant sur la Twingo GT, avez-vous pu collaborer avec Renault ?
Pas à proprement parler. Toutefois, dans le cadre d’un concours lancé par le constructeur, notre projet a été jugé comme suffisamment intéressant pour nous donner la possibilité de nous rendre dans la soufflerie du S2A. De ce fait, nous avons pu transposer notre solution du corps de Ahmed à la voiture là-bas, avec succès !
Dans la recherche, on va développer un projet pendant trois ans pour apporter une solution à un problème bien spécifique et cela, c’est passionnant.
En parlant de succès, votre thèse a également remporté le prix…
C’est vrai. Dans le Nord de la France existe la Fédération de Recherche Transports Terrestres & Mobilité, une fédération qui englobe tous les laboratoires dédiés du Nord-Pas-de-Calais, et j’ai gagné le prix de la meilleure thèse 2020 au mois de novembre. Au moment de l’annonce, j’étais super heureux ! J’ai aussitôt repensé à mon directeur de thèse qui m’avait justement dit que je n’avais rien à perdre à tenter le concours… Ce prix me permet de me dire que mon travail, non content de servir à quelque chose, est également reconnu par le domaine scientifique !
Aujourd’hui, vous vous apprêtez à quitter le monde de la recherche pour le monde industriel. Mais qu’est-ce qui vous plaisait tant dans la recherche ?
Le fait d’aller chercher le détail ! En effet, dans la recherche, on va développer un projet pendant trois ans pour apporter une solution à un problème bien spécifique et cela, c’est passionnant. Par contre, c’est ce qui fait aussi que je souhaite à présent goûter à autre chose : par définition, la dynamique temporelle de la recherche est plus lente que celle de l’industrie. Et aujourd’hui, j’ai envie d’accélérer cette dynamique !
Cette envie vous amènera-t-elle dans le secteur automobile ?
Je ne le sais pas encore car, si je privilégie le secteur des transports de manière générale, je n’ai pas de prédisposition pour l’automobile, le ferroviaire ou l’aéronautique – même si cela ne me déplairait pas de retourner dans ce secteur. Cela dépend des opportunités qui se présenteront. Par contre, je pense rester encore quelques années dans le Nord de la France où je suis actuellement car les différents acteurs de cette région savent combien un doctorant peut valoriser un projet. Et, dans l’idéal, pourquoi pas devenir chef de projet en R&D ?