« Les enjeux écologiques et environnementaux, au cœur de la formation de nos ingénieurs »

Véronique Bonnet est directrice générale de l’ESME Sudria

Comment l’école s’est-elle adaptée face à la crise ?
Comme toutes les écoles du Groupe IONIS, nous avons assez bien géré le premier confinement, en déployant des moyens pour mettre en place l’enseignement à distance, mais en changeant finalement peu de choses. Nous avons vécu le premier confinement comme un mauvais moment à passer, mais cela nous a permis de convaincre les plus sceptiques qu’il était possible de continuer à délivrer un enseignement de qualité malgré la distance. Depuis le deuxième confinement, nous avons poursuivi cette adaptation tout en lançant des réformes et des projets de fond au niveau de la pédagogie et de la formation. Ces changements à l’école se cumulent à d’autres évolutions, comme la mise en place du nouveau bac, ou des changements sociétaux comme la prise de conscience accrue des enjeux environnementaux et climatiques. Nous ne les ignorions pas, mais ils sont tangibles et urgents. Au cours de ces derniers mois, nous avons lancé deux projets autour de la transformation digitale ainsi que la transformation écologique et environnementale.

Comment se déploie cette transformation digitale ?
C’est un projet commun à toutes les écoles d’ingénieurs du Groupe IONIS (ESME Sudria, EPITA, IPSA et Sup’Biotech), qui passe par une équipe dédiée, composée de chefs de projets et d’ingénieurs pédagogiques. Avec ces nouveaux moyens, nous pouvons aller encore plus loin dans le déploiement d’outils innovants, la numérisation des cours et la pédagogie inversée. Chaque école garde la main sur la manière dont elle souhaite mener sa transformation. À l’ESME Sudria, nous avons eu une approche participative de prototypage et de test de solutions pour intégrer davantage de numérique dans nos formations, à la fois sur le contenu, les méthodes et les évaluations. À la suite d’un appel à projets auprès de toutes nos équipes enseignantes, nous en avons retenu une douzaine et à la fin de l’année, nous ferons un premier bilan. Cela s’accompagne d’un gros travail de formation en interne.

L’image de l’ingénieur doit elle aussi changer : il doit désormais être capable de mesurer l’impact de ses actions sur la société et sur la planète

Qu’en est-il de la transformation écologique et environnementale ?
Ce second volet est un sujet de fond sur lequel nous travaillons depuis de très long mois : comment intégrer les enjeux écologiques et environnementaux dans la formation de nos ingénieurs ? C’est aujourd’hui une question que se doit d’intégrer n’importe quel établissement d’enseignement supérieur, mais plus encore les écoles d’ingénieurs. Car les ingénieurs transforment le fruit de la recherche scientifique pour la mettre au profit de solutions qui doivent servir l’Homme. Pendant trop longtemps, l’épuisement des ressources et la préservation de l’environnement étaient relégués au second plan. L’image de l’ingénieur doit elle aussi changer : il doit désormais être capable de mesurer l’impact de ses actions sur la société et sur la planète. Ces enjeux sont d’autant plus cruciaux pour l’ESME Sudria que nos formations reposent sur deux piliers : l’énergie et le numérique.
Nous nous inspirons de ce que propose le think thank The Shift Project, qui a déjà beaucoup travaillé sur, et avec, l’enseignement supérieur. Nous structurons notre référentiel pédagogique autour de quatre grandes compétences : comprendre les enjeux socio-écologiques, mesurer l’impact d’une solution, faire de la conception régénérative ou avec une empreinte environnementale nulle, accompagner les changements. Ces compétences devront caractériser l’ingénieur de l’ESME Sudria dans les années à venir. C’est un travail de fond qui va réformer la pédagogie de l’école en profondeur. L’accélération de ces transformations constitue une réponse à la crise que nous traversons.

À la prochaine rentrée, le campus lillois ouvrira l’accès de son Cycle ingénieur par l’apprentissage dans la majeure Transition Énergétique. Pourquoi avoir fait ce choix ? Ce dispositif est-il amené à se généraliser aux autres campus ?
Ce choix est lié à plusieurs facteurs. En Hauts-de-France, un véritable écosystème autour des énergies renouvelables est en place et grandit, avec de nombreuses entreprises et des moyens publics. Ces acteurs ont de forts besoins en recrutement dans la région. En parallèle, les demandes étudiantes pour rejoindre ce cycle en apprentissage augmentaient et nous souhaitions amplifier le rayonnement du campus. Toutes ces raisons nous ont poussé à demander à la Commission des titres d’ingénieur l’autorisation d’ouvrir l’accès du Cycle ingénieur par l’apprentissage dans la majeure Transition Énergétique à Lille. Autorisation qu’elle nous a accordée en septembre, l’année dernière. Pour l’heure, ce dispositif n’a pas vocation à se multiplier, mais il est vrai que l’apprentissage possède un grand potentiel de développement. Nous procéderons par étapes.

Quel bilan tirez-vous du lancement des Bachelors fait à la rentrée 2020 ? De nouveaux parcours verront-ils le jour ?
Ces lancements correspondent au sens de l’histoire et à un vrai besoin des entreprises qui manquent de compétences intermédiaires sur des technologies pointues et des sujets comme l’Internet des objets ou la cybersécurité. Les entreprises peinent à trouver des profils situés entre le technicien et l’ingénieur. C’est aussi la tendance au sein des écoles d’ingénieurs qui diversifient leur offre pédagogique, entre la licence et le Master. Ces lancements sont pour l’instant très positifs et, il est fort probable, que nous développions de nouveaux Bachelors sur nos différents campus.

Depuis quelques années, nous avons amorcé un cercle vertueux, puisque que nous sommes à presque 30 % de filles dans nos effectifs de prépa, alors que nous étions à seulement 18 %, il y a 5 ans. C’est une vraie fierté !

Comme se passe l’ouverture du nouveau campus parisien de 3 500 m², au cœur du 6e arrondissement ?
Ce campus est à deux pas du site historique de l’école, rue Blaise Desgoffe. C’est un facteur de cohésion très fort de la communauté ESME Sudria, notamment pour nos plus anciens diplômés qui sont ravis de savoir que leur école retrouve ce quartier. Mais à cause de la crise, cet emménagement n’est pas encore totalement achevé et il nous tarde de faire l’inauguration officielle. Ce campus est une belle vitrine et un beau symbole. Il illustre le dynamisme de l’école, celui d’un établissement faisant le lien entre son passé et l’avenir !

Les deux premières Innovation Weeks – des challenges inter-campus pour imaginer des solutions d’ingénierie innovantes et durables avec une entreprise partenaire (Engie Solution, puis Vinci Énergies) – ont été de beaux succès. Quel regard portez-vous sur cette méthode d’apprentissage ?
C’est à travers ce type de projets que nous amorçons notre mutation. Ils participent à former  nos étudiants aux enjeux socio-écologiques. Ainsi, pendant la dernière édition, Vinci Énergies nous a proposés des défis liés au développement durable, la RSE, le Green IT et l’économie circulaire. C’est une façon d’apprendre que nous devons encore plus intégrer à nos formations et qui n’a que des vertus : au niveau de la pédagogie, du sentiment d’appartenance à l’école et de l’ancrage avec le monde professionnel. Les entreprises partenaires ont toutes été ravies du résultat. Plusieurs nous ont déjà sollicités pour les prochaines éditions ! C’est un modèle dont tout le monde sort gagnant mais qui demande un gros travail de mise en place de la part de nos équipes. Malgré le distanciel, la dernière édition a très bien fonctionné.

L’association Sudriettes à Lyon, des partenariats avec Elles Bougent et Talents du numérique… L’école est engagée pour encourager les vocations féminines dans l’ingénierie et les sciences. Comment aller encore plus loin ?
La clé est l’inclusivité ! Il faut montrer l’exemple, communiquer et que les lycéennes, quand elles visitent l’école, s’imaginent l’intégrer. Depuis quelques années, nous avons amorcé un cercle vertueux, puisque que nous sommes à presque 30 % de filles dans nos effectifs de prépa, alors que nous étions à seulement 18 %, il y a 5 ans. C’est une vraie fierté ! C’est aussi lié à la manière dont nous présentons nos formations : nous parlons d’enjeux sociétaux et ils ne sont pas genrés. Quand on parle de santé ou d’environnement, les filles ne se sentent pas exclues, au contraire. Il faut continuer davantage dans cette voie et surtout intégrer tous les élèves, pas seulement les filles, dans nos réflexions sur ces sujets. L’égalité femme/homme s’intègre parfaitement dans le nouveau projet stratégique de l’école axé sur l’innovation responsable. Nos étudiantes se sentent très bien à l’ESME Sudria. Elles sont intégrées en tant que filles et pas comme des filles qui feraient comme les garçons. En tant qu’ingénieure et directrice d’une école d’ingénieurs, j’aimerais qu’enfin on se disent que les filles ont toute leur place dans ces parcours et qu’au fond, ça soit normal et naturel. Que cela ne soit plus une question…

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