Les projets ne manquent pas à Sup’Biotech. Ainsi, outre l’ouverture d’un nouveau campus à Lyon et l’ouverture du Cycle Ingénieur par la voie de l’apprentissage, l’école profite de cette rentrée pour inaugurer son propre laboratoire culinaire.
Ambitieux et tourné vers l’innovation agroalimentaire, ce projet est dirigé par l’ingénieur de recherche en agroalimentaire Romain El Andaloussi, lui-même passé par Sup’Biotech (promotion 2015), également chef de projet de la future formation Bachelor que compte lancer l’école l’an prochain en complément de son cursus d’ingénieur en 5 ans. L’occasion de revenir avec le principal intéressé sur le but de ces nouveautés ainsi que sur son parcours atypique, où se mêlent cuisine moléculaire, pâtisserie et ingénierie.
À la rentrée, Sup’Biotech ouvrira enfin les portes de son laboratoire culinaire, une ouverture sur laquelle vous travaillez depuis plusieurs mois. Pourquoi avoir mis en place un tel projet ?
Romain El Andaloussi : C’est un projet qui, en effet, s’est construit petit à petit. Au départ, ce laboratoire se voulait être le prolongement de Cook&Lab, l’association de cuisine moléculaire que j’ai pu présider lors de mes études à Sup’Biotech et qui, quelques années après mon départ, a fini par être dissoute. En devenant professeur, j’ai repris une initiative lancée par Souad Fehaili, responsable de la Majeure Bioproduction et Qualité : allouer l’ancien espace-laboratoire de l’association aux projets étudiants du Cycle Ingénieur suivant l’option agroalimentaire. Puis, de fil en aiguille, cela a pris plus d’importance et l’on s’est rendu compte qu’on pouvait vraiment en faire quelque chose de plus ambitieux. Le but de cette première année était donc de le renforcer et de l’équiper, avec une mise aux normes des règles d’hygiène et de sécurité afin de le rendre opérationnel pour cette rentrée.
Que va permettre ce nouveau labo ?
Beaucoup de choses ! En plus de permettre aux étudiants de l’option agroalimentaire de réaliser des travaux pratiques (TP), il pourra potentiellement accueillir des projets innovants comme les Sup’Biotech Innovation Project (SBIP), lancer des programmes de recherche liés aux sciences alimentaires ou encore être mis à disposition aux professionnels de l’alimentaire qui souhaiteraient faire du développement de produits, des tests ou lancer des mini-productions.
Finalement, ce laboratoire culinaire est la suite logique de votre propre parcours. En effet, depuis l’aventure Cook&Lab et l’obtention de votre diplôme, vous avez exploré différentes facettes des sciences culinaires…
C’est vrai. Je m’étais initié à ce côté « la science dans la cuisine » via Cook&Lab. Cela m’avait passionné et tout mon parcours à la suite de Sup’Biotech a découlé de cette découverte ! En effet, pour comprendre la science dans la cuisine, je me suis dit qu’il fallait que je cuisine. Voilà pourquoi, juste après mes études, je suis parti dans une autre direction en réalisant une alternance d’un an pour devenir pâtissier via un CAP. Après cela, j’ai commencé à donner des cours à Sup’Biotech aux étudiants du Cycle Ingénieur et, en parallèle, souhaitant m’orienter vers le développement de produits agroalimentaires dans le but d’allier ma formation d’ingénieur à ma formation de pâtissier, j’ai attaqué un Master spécialisé. Associant l’école AgroParisTech à l’école de cuisine Ferrandi, cette formation propose de former des ingénieurs aux arts culinaires, aux côtés de chefs, de pâtissiers et de boulangers. L’idée est de former des ingénieurs pour façonner une industrie avec un esprit plus proche de l’artisanat, en utilisant moins de conservateurs et d’additifs, dans un plus grand respect de la qualité du produit. J’ai donc fait ce Master en alternance dans l’entreprise Entremets de Paris où j’avais pour mission de développer les nouvelles gammes de pâtisseries fraîches. À la suite du Master, j’ai rejoint le Centre de Recherche et d’Etudes pour l’Alimentation (CREA) en tant qu’ingénieur consultant. Le CREA ayant été créé par le Dr. Bruno Goussault qui a inventé les méthodes de cuisson sous vide, mon rôle était de former des chefs, comme des ingénieurs, à la pratique de ces techniques et de les conseiller dans l’implémentation de ces dernières dans des restaurants ou des entreprises/industries. Et aujourd’hui, je suis désormais à 100% ingénieur de recherche à Sup’Biotech. Je retourne donc à mes origines afin de former les nouvelles générations d’ingénieurs à cette vision des choses, à ces techniques de la science dans la cuisine, mais aussi pour pouvoir contribuer et apporter moi-même de nouvelles connaissances et recherches dans ce domaine.
Question bête : qu’est-ce que la cuisson sous vide ?
Le terme exact, c’est « cuisson sous vide à juste température ». En fait, avec toutes les connaissances en sciences alimentaires que nous possédons, nous savons exactement à quelle température précise la fibre musculaire d’une viande ou l’amidon et la pectine d’un légume vont commencer à cuire. Cette technique permet ainsi de cuire ces aliments à des températures extrêmement précises. Avec elle, on peut par exemple cuire de la viande à 54-56° à cœur pour qu’elle soit parfaitement saignante. Cela évite de cuire à une température trop haute et donc de dénaturer le produit en lui retirant ses propriétés nutritionnelles et gustatives. Cela nécessite une machine sous vide assez puissante. En effet, la technologie sous vide est la meilleure manière aujourd’hui de créer « une peau » autour du produit. Cette peau est nécessaire car le produit va être cuit dans de l’eau, le seul milieu dans lequel on peut vraiment contrôler la température au degré près. Et plutôt que de mettre du film plastique, pas forcément bon pour la santé, on utilise une cloche sous vide, associée à des thermoplongeurs – des sortes de bains-marie qui peuvent être réglés au degré près. C’est un bon exemple de l’apport de la science et de l’ingénierie au monde culinaire !
En plus de ces activités tournées vers l’agroalimentaire, vous occupez aussi le poste de chef de projet de la future formation Bachelor. Pourquoi proposer une nouvelle formation ?
Ce Bachelor en Biotechnologies sera une formation en trois ans directement après le Bac qui aura une forte orientation vers la technique. En effet, là où l’ingénieur occupe une place de chef de projet avec beaucoup de connaissances et prend du recul sur différentes missions, le profil du diplômé Bachelor se veut plus technique et opérationnel sur le terrain. Le but est de former des professionnels dont les compétences se situeront entre celles du technicien – l’opérationnel pur – et de l’ingénieur – qui a une vision du projet. Pour donner un exemple, le poste qui illustre le plus cette fonction de cadre intermédiaire dans les sciences du vivant, c’est l’assistant ingénieur ou le chargé de mission.
Est-ce que l’importante activité du secteur des biotechnologies fait qu’il y a une carence sur ce genre de postes ? Les entreprises ont de plus en plus besoin de ces nouveaux profils ?
C’est un peu ça. Aujourd’hui, si l’on regarde les différentes études réalisées, notamment celle concernant l’observatoire de l’évolution des métiers des biotechnologies mené par le LEEM (Les Entreprises du Médicament), on voit bien que le besoin des entreprises en ingénieurs est toujours important. On constate aussi que les techniciens, souvent formés à travers des formations de type BTS, sont également demandés. Et on s’aperçoit enfin que les entreprises de ce secteur sont de plus en plus en demande d’un profil intermédiaire qui ferait le lien entre les ingénieurs et les techniciens. Ce profil doit savoir aller sur le terrain, le comprendre, mais aussi intégrer les objectifs du projet.
Enfin, quelles seront les spécificités de ce Bachelor ?
Le Bachelor en Biotechnologies proposera essentiellement un enseignement basé sur l’apprentissage des techniques de laboratoire et sur des projets. Il incorporera aussi une ouverture à l’international avec une Summer School en 2e année et une année d’alternance en fin d’études. Enfin, ce Bachelor permettra notamment le choix d’une option en 3e année. Trois options seront alors proposées aux étudiants : Biologie Numérique, Production & Bioprocédés ou Formulation. Pourquoi ces spécialisations ? Nous avons fait ce choix car nous avons remarqué que ces domaines de compétences étaient les plus demandés par les professionnels !