« Le code est un art en soi »

Responsable de l’e-Smart Lab et du Parcours Innovation à Paris, Romain Astouric est avant tout un passionné d’arts numériques. Une passion et une culture, nourries par ses recherches et ses expérimentations, qu’il partage à travers ses œuvres et ses enseignements.

Que fais-tu à l’ESME Sudria ?
Depuis 5 ans, je suis responsable de l’e-Smart Lab parisien, notre atelier de fabrication numérique collaboratif. Son but est que les étudiants puissent découvrir la création numérique et le prototypage rapide – en somme qu’ils comprennent comment on passe de l’idée au concept, puis du concept au prototype pour mettre en action leurs idées. Je bénéficie pour cela de l’aide précieuse d’étudiants notamment via l’association E.S.Makers. Je m’occupe aussi du Parcours Innovation à Paris, qui depuis cette année va développer des projets communs avec le nouveau Parcours Ingénieur-Designer dirigé par ma collègue Capucine Thery, en s’intéressant avant tout à la modélisation, la technique et la fabrication. Nous commençons par transmettre les bases puis invitons les étudiants à s’investir dans des projets collaboratifs avec différentes structures comme l’Électrolab ou le WoMa. Enfin, je suis responsable pédagogique de la Summer School : nous recevons chaque été une quinzaine d’étudiants étrangers à qui nous faisons suivre un parcours autour de la robotique et des arts numériques.

Justement, les arts numériques font partie de ta formation et de tes passions, puisque tu réalises de nombreuses œuvres sous ton pseudo « Data Flaw »
Ingénieur diplômé d’un Master de Recherche « Art, Science et Technologie », j’ai réalisé plusieurs installations interactives avec lesquelles le spectateur peut jouer. Ma plus importante permettait au visiteur d’en prendre le contrôle via des manettes de console de jeu. Elle mêlait vidéo-mapping et effets sonores. Plus récemment, je travaille avec Verlatour, un producteur amiénois avec qui nous développons un spectacle musical interactif. Je m’intéresse beaucoup à l’outil Processing, un langage et un environnement très utilisé dans les arts numériques. Il me permet notamment d’utiliser une machine qui m’a servi pour réaliser mes dernières œuvres : un robot à deux axes équipé d’un stylo dessinant des lignes et des points. L’e-Smart Lab s’est doté de cette machine et je me suis formé à son utilisation avec l’artiste Julien Gachadoat qui réalise des œuvres très intéressantes. Cette formation et le premier confinement m’ont permis de pousser un peu plus loin mes recherches. En septembre, j’ai ainsi pu exposer des œuvres au Café à Amiens. Une première série d’œuvres s’inspirait de motifs géométriques classiques et de différents algorithmes. La seconde se basait sur des relevés topographiques. J’ai ainsi récupéré des données de la Nasa auxquelles j’ai ajouté différents relevés GPS, comme les randonnées les plus célèbres de France.

Le monde numérique et réel ne sont plus séparés.

Tu donnes également des cours à Sciences Po. En quoi consistent-ils ?
J’interviens depuis trois ans dans le programme Culture Numérique, initialement à travers toute la France et plus récemment sur le campus rémois, pour initier les étudiants à ce sujet. Je leur montre comment utiliser le code comme outil artistique ou outil de visualisation, et qu’il peut contenir des messages artistiques voire politiques. Le code n’est pas qu’un outil, c’est un art en soi et on ne le remarque pas forcément dans la vie de tous les jours. Il ne doit pas rester caché et cantonné aux mains des développeurs et des ingénieurs. Il peut transmettre des émotions.

Où se situe le développement de la culture numérique ?
Le monde numérique et réel ne sont plus séparés. Le numérique occupe une place de plus en plus importante au sein du monde dans lequel nous vivons. Le grand public connaît assez mal son histoire, assez peu enseignée, notamment en école d’ingénieurs. On se demande rarement d’où viennent l’ordinateur et le web… À cela s’ajoute aujourd’hui les enjeux liés à l’encadrement des GAFAM ou à la démocratie. On vit dans un monde numérique et cela a des conséquences. La question n’est pas de savoir si ces technologies sont bonnes ou mauvaises, mais de savoir ce qu’on en fait ! C’est pourquoi, dans mes cours, quand je le peux, je m’attache à aborder leur histoire, leurs enjeux passés et actuels.


Que t’apportes l’échange avec les étudiants ?
En travaillant avec les étudiants et en préparant mes cours, je suis amené à découvrir de nouvelles choses. Cela me permet de réaliser une veille technologique (et donc aussi artistique) : j’essaie de me tenir tout le temps informé des dernières nouveautés pour pourvoir les transmettre aux élèves. C’est un milieu où l’open source est très utilisé et le partage d’informations très répandu. Cela me permet de découvrir de nouveaux outils, tout en restant à niveau. Chaque année, je progresse !

Te considères-tu plus comme ingénieur ou comme un artiste ?
Les deux, mais plus comme un artiste dans la mesure où, ces dernières années, j’ai fait de nombreux essais et tests. Je tâtonne beaucoup et en ce sens, c’est une démarche plus artistique que relevant de l’ingénierie. Je fais des erreurs qui me servent et parfois donnent de très beaux résultats.

Quels sont tes futurs projets ?
Je souhaiterai aller plus loin dans mes œuvres se basant sur les relevés topographiques. N’importe qui peut m’envoyer des données, aussi bien sur son jogging du week-end que de sa sortie à vélo… L’idée est de créer des œuvres personnalisées uniques. Avec l’ESME Sudria, nous allons former une dizaine d’étudiants aux arts numériques pour réaliser une exposition dans nos nouveaux locaux l’année prochaine.

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