Dans le cadre de son grand rendez-vous aéronautique organisé en février, l’IPSA a reçu la visite de Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué aux Transports, qui a pu découvrir le campus parisien de l’école et échanger avec les étudiants. Des élèves qui ont pu également faire la rencontre de Pierre-Henri « Até » Chuet à l’occasion d’une conférence spéciale. Cet ancien pilote de chasse sur Rafale a ainsi détaillé son parcours et partagé sa passion avec les futurs ingénieurs.
IPS’AIR est un rendez-vous aéronautique destiné aux étudiants et au grand public, qui s’est déroulé du 14 au 25 février sur le campus de l’IPSA Paris-Ivry. Cet événement propose de passer de la théorie à la pratique, et de tester des simulateurs de vol sur Mirage 2000, Boeing 777, Airbus A320 ou encore d’hélicoptère Jet Ranger Bell, ainsi que de découvrir qu’une exposition éphémère Safran. À l’occasion de sa dernière édition le festival a accueilli Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des Transport, venu le 17 février à la rencontre des étudiants sur le campus parisien de l’école.
Un moment d’échange privilégié avec le ministre des Transports
Le point d’orgue de cette visite a été un long moment d’échange avec les étudiants dans l’amphithéâtre de l’école. L’occasion pour eux d’aborder de multiples sujets, comme les nouveaux enjeux de coopération spatiale européenne évoqués le 16 février à Toulouse par la présidence de la République et d’en savoir plus sur les projets d’avenir de la filière aéronautique. Avion vert, nouvelles mobilités, production décarbonnée, liens entre politique et industrie… les étudiants ont pu poser toutes leurs questions, conscients de la responsabilité qui les attend dans la conception de nouvelles formes de transports dans les années à venir.
Jean-Baptiste Djebbari a clôturé la Journée Recherche et Innovation qui se tenait sur le campus à l’occasion de l’IPS’AIR 2022, avec les enseignants-chercheurs de l’école et les Alumni ayant consacré la suite de leur cursus à la recherche.
À l’occasion de sa visite, le ministre a également pu découvrir l’exposition éphémère de turboréacteurs, de sièges éjectables, et fusées en taille réduite du Musée Safran. En tant que pilote de formation, il a aussi testé les différents simulateurs de vol présents à l’IPSA à l’occasion de l’événement : à savoir les simulateurs de Mirage 2000, d’Airbus A320, et de l’hélicoptère Jet Ranger Bell. Il a également fait décoller le simulateur de Boeing 777 construit par les étudiants de l’association IPSA Flight. Ce fut l’occasion d’un long entretien avec nos étudiants sur la vie associative à l’IPSA et leur passion commune du pilotage.
Au-delà du cockpit : le pilote Pierre-Henri « Até » Chuet
Durant l’IPS’AIR, le grand rendez-vous aéronautique de l’IPSA, il n’y a pas que des simulateurs de vol ni des visites de ministre. Ainsi, à l’occasion de l’édition 2022, le campus parisien de l’école recevait Pierre-Henri « Até » Chuet pour une conférence spéciale, ce mercredi 16 février. Cet ancien pilote de chasse sur Rafale détaillait ainsi son parcours et partageait ses expériences avec les étudiants pour mieux leur faire comprendre les évolutions récentes de l’aviation et des missions en vol. En marge de l’événement, Pierre-Henri « Até » Chuet a accepté d’aller plus loin en se prêtant au jeu de l’interview.
Pourquoi avoir accepté l’invitation de l’IPSA ?
Pierre-Henri « Até » Chuet : C’est important de donner du sens à des étudiants qui, comme ceux de l’IPSA, sont voués à devenir des ingénieurs dans l’aéronautique, voire le futur de l’aéronautique française. Parce que ces étudiants sont ceux qui coderont, prépareront et intellectualiseront l’aviation de demain, il me semblait logique de leur transmettre un peu de mon savoir-faire et mes connaissances comme ont pu me le transmettre les générations précédentes.
De nombreux pilotes choisissent de faire une école d’ingénieurs avant de se lancer, mais pas vous. Le monde de l’ingénierie ne vous a jamais titillé ?
Pierre-Henri « Até » Chuet : Moi, j’étais trop impatient de piloter ! Et comme je me suis précipité dès que j’ai pu vers le cursus de pilote, je n’ai repris mes études que plus tard, une fois devenu pilote opérationnel. J’ai alors fait des études de sciences de l’éducation quand j’étais instructeur, avant de me spécialiser là-dedans. Pour autant, à un moment de ma carrière, je me suis tout de même posé la question de me diriger vers les essais en vol, un autre domaine extrêmement passionnant. Et même si je me suis renseigné sur des études d’ingénieurs, cela ne s’est pas fait, finalement. Comme quoi, il vaut toujours mieux se lancer dans des études d’ingénieurs quand on est jeune !
Pour autant, en tant que pilote de chasse, étiez-vous amené à côtoyer des ingénieurs ?
Pierre-Henri « Até » Chuet : Oui et non. Quand on est en unité de combat opérationnel par exemple, on n’en a pas vraiment l’occasion : la charge de travail ne permet pas malheureusement de pouvoir interagir avec eux. Par contre, on a des représentants. J’ai ainsi eu la chance d’être « OUO » (pour « Officier d’utilisation opérationnel ») à la fin de ma carrière dans la Marine nationale. En anglais, on appelle ça le « Subject-matter expert », soit l’expert machine. Je me retrouvais alors à faire des symposiums pour Safran et Dassault afin de leur transmettre justement ma vision opérationnelle, pour redonner du sens au travail des ingénieurs. Cela intervenait à une période particulière, celle post-Bataclan avec la guerre en Irak. J’étais donc là pour leur expliquer ce qu’on faisait sur le terrain, avec le matériel qu’ils ont construit et parfois intellectualisé il y a plusieurs décennies. Le Rafale, par exemple, a fait son premier vol en 1986, soit mon année de naissance, et il est encore utilisé aujourd’hui. Ces retours sont importants pour les constructeurs : ils leur permettent de poursuivre leurs études dans la bonne direction.
Entre votre premier vol et le dernier en date, les évolutions technologiques dans le cockpit ont sans doute été conséquentes. Comment fait-on pour se mettre à jour aussi régulièrement en tant que pilote ?
Pierre-Henri « Até » Chuet : Quand on est pilote de ligne, on passe tous les six mois en simulateur pour être « recadré » et on reçoit des mails en permanence sur les changements de process et de procédures. Quand on est pilote de combat dans la Marine, on passe aussi en simulateur, mais tous les mois. On est en permanence en train de réviser notre copie, d’augmenter notre standard et nos capacités professionnelles. Moi, j’ai fait mon premier vol à l’âge de 14 ans et le premier en solo le jour de mes 15 ans, soit le 9 septembre 2001, puis je suis entré dans l’Armée à 19 ans pour alors commencer le pilotage en tant que commandant de bord sur Jodel D112, un petit avion d’une technologie de l’avant-guerre, avec un moteur de 65 chevaux. Après, il y a eu la loi de Moore, la loi de Kryder et un développement exponentiel de la technologie, si bien que lorsque je me suis retrouvé à voler au combat sur Rafale, le nombre d’informations à gérer n’avait absolument plus rien à voir. Je pense justement que les promotions actuelles de l’IPSA auront, dans le futur, un gros travail à faire en matière d’assistance du pilote, c’est-à-dire qu’ils devront développer les algorithmes et l’intelligence artificielle de façon à ce que le pilote se voit présenter des informations « prémâchées » pour ensuite prendre les bonnes décisions en accordance avec la volonté du politique et des règles d’engagement. Le défi va être de filtrer toute la data accumulée avec les senseurs modernes et de la rendre exploitable pour un pilote qui est en train de peser six fois son poids, est en mer depuis quatre mois, a mal mangé et est peut-être stressé par son premier vol de guerre.
Dans votre conférence, vous abordez aussi la gestion du stress et de l’urgence pour un pilote en mission. Est-ce que cette approche peut aussi servir de futurs ingénieurs ?
Pierre-Henri « Até » Chuet : Bien sûr ! Un pilote reste un être humain. Mais il faut rappeler que, parce qu’il est aux commandes d’un avion, il n’a pas de porte de sortie possible. Bien entendu, il y a le siège éjectable, mais ce n’est pas une situation d’avenir. Avec cette conférence, j’essaye de faire comprendre qu’être commandant de bord est avant tout un état d’esprit de responsabilité : en vol, on dit de lui qu’il est le seul maître après Dieu. Il n’y a rien de religieux là-dedans, mais c’est pour insister sur le fait que si vous ne décidez pas d’agir, personne ne sera là pour le faire à votre place ni pour vous venir en aide. Et cet état d’esprit, si on arrive à le sortir du cockpit, il peut également trouver sa place absolument partout, dans le sport, dans la gestion de projet, dans la vie privée… Je dois me dire qu’il faut que je trouve la solution, que je suis toujours maître de mon propre destin. Et si je parviens à intellectualiser ça pour des étudiants de 20-25 ans, ce serait beau et vraiment parfait car cela leur permettrait de créer de la valeur au quotidien, d’apprendre à se remettre en question pour toujours évoluer et trouver des solutions à leurs problèmes, ce qui est, je pense, malheureusement encore trop rare de nos jours au-delà du cockpit !