Le 11 janvier dernier, Emmanuel Macron annonçait le lancement d’une Stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, maladie chronique touchant environ 10 % des femmes en âge de procréer et pourtant longtemps ignorée. Dans ce contexte, un groupe d’étudiants du campus réunionnais d’Epitech Technology a développé Innuendo, une application permettant d’accompagner les femmes touchées et de réduire le temps de détection de cette affection de longue durée. Entretien.
À l’instar de l’application Karel, développée par un groupe du campus parisien d’Epitech, ou de Détecte Mon Endo, par des étudiants de l’école Sup’Biotech, la lutte contre l’endométriose et le développement d’initiatives pour détecter cette maladie chronique est au cœur de nombreux projets étudiants du Groupe IONIS. Récemment, c’est un groupe réunionnais d’Epitech Technology qui a suscité l’intérêt de la presse pour son projet Innuendo. Rencontre avec l’équipe du projet.
L’origine du projet
« Dans le cadre de la Moonshot d’Epitech Technology, nous devions réfléchir à des problématiques et les pitcher. Dans notre groupe de 8, nous avons réfléchi autour des maladies féminines en général, et plus particulièrement sur l’endométriose. En faisant nos recherches et notamment par l’intermédiaire du site d’Endofrance, nous prenons conscience de l’enjeu autour de cette maladie chronique :
- 1 femme sur 10 est atteinte d’endométriose
- Un diagnostic prend en moyenne de 7 à 10 ans
- Chaque femme atteinte d’endométriose a 40% de chances d’être infertiles
Nous continuons alors nos recherches et ce qui nous marque, c’est que ce sujet est peu abordé autant en communication que dans la recherche scientifique, contrairement au cancer par exemple.
On se dit alors : ‘ok, rien n’a été fait et les chiffres sont alarmants, donc on se lance dessus.’ »
Innuendo, qu’est-ce que c’est ?
« Au début, on suivait la méthodologie d’Epitech, en faisant de la recherche pour les différents sprints. Mais un élément important a été déclencheur : lors du concours Digital Award 2021 récompensant les meilleurs projets, notre sujet a été désigné « meilleur projet numérique innovant ». On s’est dit ‘là, on a un truc, on est validé par des gens qui sont dans l’écosystème’ .
Le projet a alors pris de l’ampleur et nous avons continué nos recherches, interviewé des membres d’Endofrance, d’associations locales, des potentielles futures utilisatrices… Aujourd’hui, nous n’avons pas les moyens d’empêcher une femme de souffrir, mais on peut jouer sur les 7 à 10 ans de diagnostic : pourquoi ça met autant de temps ? Il faut qu’on fasse quelque chose sur ce point.
Nous n’avons pas les moyens d’empêcher une femme de souffrir, mais on peut jouer sur les 7 à 10 ans de diagnostic.
Un des premiers freins est, par exemple, est la méconnaissance autour de cette maladie. Quand on est une jeune adolescente, on va souvent voir le ou la gynécologue de sa maman. Or, encore aujourd’hui, certains gynécologues pensent que l’endométriose n’existe pas, que c’est « normal de souffrir au moment des règles« . Il n’y a pas de suivi de la maladie : or, la manière la plus sûre de la diagnostiquer est de réaliser une IRM (examen d’imagerie par résonance magnétique). »
« Nous sommes donc partis du constat que, pour une femme qui a de l’endométriose, communiquer avec son gynéco sur ce qu’elle ressent (douleurs pelviennes, flux de règles…) est très compliqué, notamment de se rappeler des symptômes exacts, du moment, de l’intensité de la douleur etc. Innuendo vise à améliorer cette communication avec les services de gynécologie.
Notre solution fonctionne en deux parties : une pour les femmes qui ont des douleurs, qu’elles soient déjà diagnostiquées ou non, et une pour les gynécologues :
- Pour les femmes : une application mobile, dans laquelle elles vont remplir des données (flux, douleur…), stockées jour après jour. L’appli peut générer un code et partager les données qu’elles souhaitent.
- Pour les gynécologues : une application avec un accès aux données des patientes et ainsi travailler sur des éléments factuels.
Au moyen de toutes ces données, et avec l’Intelligence Artificelle, nous pouvons évaluer un « endoscore » qui permet de déterminer la probabilité d’être atteinte l’endométriose.
Notre rôle n’est pas de faire un diagnostic, mais d’apporter de la data. Ces données, nous voulons les partager pour faire évoluer
Quelles perspectives ?
« Aujourd’hui, l’application est bien avancée, avec les features principales. Il nous reste à faire le lien avec l’appli des gynécologues.
Notre objectif est de travailler également autour du développement de notre entreprise (business model…). Les annonces en début d’année d’Emmanuel Macron ont créé un engouement autour du sujet, un focus sur cette pathologie, mais sans annonces concrètes pour le moment. À plus long terme, notre objectif est que ce projet de suivi médical soit porté sur d’autres maladies que l’on ne connait pas.
Grâce à la pédagogie Epitech, et depuis Moonshot, nous avons pu participer à des événements pour créer le projet ; nous avons de la chance d’être proches de notre équipe pédagogique, l’accompagnement est constant.
Et demain, si on doit réfléchir à un projet, le pitcher, on saura le faire. »
Les membres du groupe Innuendo (Epitech Technology La Réunion)
- Sephora Panchbaya
- Tristan Bourgeois
- Nolan Routel
- Tom Hermann
- Julien Pause
- Dorian Beasse
- Valentino Folio
- Lucas Courteaud