Tous étudiants en 4e année au sein de la filière Direction artistique à e-artsup Bordeaux, Bastien Carmona, Andréa Harcourt, Tom Marchand et Guillaume Philly (promo 2022) ont remporté le 2e prix de la catégorie étudiante lors de la 52e édition du concours du Club des Directeurs Artistiques (CDA). Leur projet, baptisé « Human », reprenait les codes du Bauhaus pour promouvoir une autre approche de l’éducation. Les quatre lauréats reviennent sur cette aventure aux côtés de leur enseignant, Xavier Urity, lui-même passé par e-artsup et primé par le CDA en 2013.
Quel était le brief de départ de ce challenge créatif ?
Xavier Urity : Le brief demandait de relancer le Bauhaus, cette école fondée à Weimar en Allemagne par Walter Gropius en 1919. À l’époque, cette école mélangeait l’artisanat et l’art – le fameux « art & crafts » – afin de joindre l’utile à l’agréable. Le challenge posait alors la question de quoi faire du Bauhaus près de 100 ans après son apparition, dans un contexte bouleversé par de nouveaux enjeux climatiques, économiques et sanitaires. Est-ce que cette école Bauhaus de 2021 allait encore vouloir joindre l’utile à l’agréable ou était-elle plutôt destinée à se pencher désormais sur l’inclusivité, réfléchir à comment changer le monde et faire évoluer les mentalités ? Il fallait aussi avoir en tête le fait que l’école Bauhaus d’origine concernait surtout des artistes manuels, autour de la peinture, du design de mobilier, etc. Là, avec cette nouvelle école, l’idée était de pouvoir inclure n’importe quel type de personne créative. Mais cela pouvait prendre n’importe quelle forme : il n’y avait aucune limite en matière de créativité.
Tom Marchand : On avait le choix de partir dans n’importe quelle direction et d’utiliser n’importe quel support, mais il fallait que cela soit cohérent. Pour le concept, on est resté sur cette idée d’école, en voulant se démarquer de ce qui fait majoritairement aujourd’hui dans l’éducation, en France comme ailleurs. On a donc choisi non pas de privilégier un mode de pensée prédéfinie par un programme annuel, mais de s’appuyer avant tout sur l’humain, en mettant l’accent sur les personnes qui viennent étudier et acquérir un savoir transmis par d’autres personnes « humaines ». Le but est plutôt de favoriser l’expression de toutes les différences afin que tout le monde puisse grandir ensemble. Quant au support, nous avons associé une campagne print et à de la communication digitale.
Comment est-venue cette idée de Human ?
Andréa Harcourt : Pour arriver à cette piste, il a d’abord fallu faire une grosse session de brainstorming, où chacun a pu poser ses idées sur la table. Après plusieurs échanges, le fait de vouloir se reconnecter à des valeurs humanistes a fait consensus.
Tom : Nous avions vraiment à cœur de mettre en avant l’humain, d’où le fait d’utiliser des portraits et d’insérer les prénoms des personnes dans différentes taglines. Nous ne voulions pas de phrases bateau, creuses, mais des mots raisonnant vraiment en rupture avec ce que proposent habituellement les écoles. Chez Human, on ne dit pas « tout le monde peut venir », mais chacun est unique.
Bastien Carmona : De manière générale, la grande majorité des affiches que l’on peut croiser dans la rue cherchent avant tout vendre un produit ou proposer une offre. Les nôtres ne cherchent justement pas à mettre en avant un produit, mais les personnes qu’on veut faire adhérer à notre cause et à la philosophie de l’école. Ces affiches sont surtout là pour les inciter à entrer dans un mouvement de pensée différent qui leur permettra d’évoluer sur plusieurs aspects créatifs.
Tom : Pour la création du logo, nous nous sommes inspirés de l’Homme de Vitruve de Leonard de Vinci et d’un pissenlit. Ce dernier est une métaphore – en soufflant dessus, on insufflerait de la sagesse qui se répandrait ensuite…
Combien de temps de travail cela représente-t-il ?
Xavier : J’ai donné le brief aux étudiants lors de mon premier cours de cette 4e année et les projets ont été envoyés au Club des Directeurs Artistiques à l’issue du dernier cours : le projet s’est donc étendu sur près de 14 semaines ! D’ailleurs, il faut rappeler qu’il y avait en tout près d’une quinzaine d’équipes d’e-artsup à participer sur les différents campus, pas seulement celle-ci. Mais la première difficulté pour les étudiants de toutes les équipes a été d’assimiler le brief. Ce dernier avait beau être court, il n’était pas si évident – parfois, la simplicité ouvre trop de portes, justement. Cela a pris pas moins de quatre semaines pour que les étudiants se l’approprient vraiment et comprennent le cheminement de pensée à adopter.
Andréa : L’analyse du brief a pris pas mal de temps, c’est vrai. Une fois celui-ci « digéré », la grosse partie du travail a concerné la recherche du concept, de l’ambiance, etc. Les déclinaisons ont finalement été plus simples à réaliser après ces étapes passées.
En tant qu’étudiants, étiez-vous déjà familiers avec le Bauhaus avant de vous lancer dans cette aventure ?
Tom : Oui, on avait pu l’aborder durant nos cours d’histoire de l’art, lors de nos premières années à e-artsup. Cela nous avait permis de mieux connaître le style, les grandes figures…
Guillaume Philly : Il fallait alors réaliser des recherches de planches graphiques en rapport avec le Bauhaus. Depuis, nous avons aussi pu regarder quelques documentaires sur le sujet et parfois répondre à d’autres briefs incorporant des éléments liés au Bauhaus. Certains étudiants ont aussi pu s’immerger dans cette culture grâce au séjour à l’étranger permis par e-artsup, en allant étudier 3-4 mois sur le campus du Groupe IONIS de Berlin. C’est ce qui m’était arrivé.
Tom : Par contre, c’est vraiment à partir du brief reçu pour le Club des Directeurs Artistiques que nous avons vraiment accentué nos recherches autour du Bauhaus, pour mieux comprendre encore ses inspirations et ce qui en découle.
Guillaume : C’est vrai et, pendant deux mois, on a clairement approfondi le Bauhaus. D’ailleurs, ce n’est pas juste une culture et un mouvement : c’est aussi une méthodologie de travail. Et c’est justement notre métier que de pouvoir prendre un sujet et d’en éplucher ses différentes facettes afin de répondre à une problématique.
Bastien : Le Bauhaus, c’est vraiment une articulation autour d’une harmonie globale. Et je crois vraiment que cette idée d’harmonie globale va pouvoir nous servir plus tard, sur d’autres projets. C’est une notion très importante et très utile pour un designer.
Quel a été votre sentiment après l’annonce de votre prix ?
Tom : Beaucoup de joie et un peu de surprise – cela faisait un petit moment que nous avions rendu le projet et nous étions tous passés à autre chose depuis, notamment la rédaction de notre mémoire ! On a d’abord reçu un email d’Emmanuel Boutry, le directeur d’e-artsup Bordeaux, pour nous dire que nous étions sélectionnés pour la finale, puis Xavier nous a avertis de notre prix… Cela nous a tous fait extrêmement plaisir !
Guillaume : C’est sûr que voir le grand sourire de Xavier nous a filé la pêche !
Andréa : Au moment de l’annonce, on repense forcément aux efforts fournis car, comme pour tous les projets, il y a toujours des hauts et des bas durant la réalisation. Là, le fait d’obtenir cette distinction, c’est vraiment une belle façon de conclure ce chapitre. On en profite d’ailleurs pour remercier tous ceux qui ont pu nous aider sur ce projet ainsi que toutes les autres équipes d’e-artsup ayant participé. Il y a eu une belle émulation entre nous !
Guillaume : Passé l’effervescence de la bonne nouvelle, j’ai très vite repensé à notre 1re année à e-artsup, quand on découvrait tous les livres du Club des Directeurs Artistiques présents dans la bibliothèque du campus de Bordeaux. Déjà à l’époque, on en parlait entre nous et avec nos enseignants. Se dire que, quelques années plus tard, avec une évolution conséquente, on ait pu briller à notre tour lors du concours, c’est beau. C’est un joli clin d’œil !
Tom : C’est vrai ! Quand on voyait ces livres, on disait que l’on aurait peut-être la chance d’y apparaître un jour, pourquoi pas dans 10 ans… et là, on sera dans celui qui sera édité l’an prochain, alors que nous sommes encore étudiants ! C’est une grande chance.
Bastien : Ce n’est pas rien car ces livres arrivent à regrouper un pan entier de la culture propre à notre milieu. Participer au concours était déjà une belle expérience, mais intégrer cet ouvrage, c’est encore plus fort.
Xavier : Sur ce projet, je tiens également à remercier l’investissement de Jeanne Bonnier qui m’assiste au quotidien et qui guide nos étudiants vers l’excellence.
Xavier Urity, un leader créatif qui compte !
Diplômé de la promotion 2014 et enseignant à e-artsup depuis 2019, Xavier Urity n’est pas qu’en mentor inspirant pour les étudiants de l’école : il est également un directeur artistique reconnu, en France comme à l’international. Début juillet, son nom apparaissait ainsi dans le très prestigieux classement CreativePool des 100 leaders créatifs les plus influents du monde. Une fierté pour celui qui pense avant tout la création comme une source de partage : « Faire partie de ce classement ne signifie pas être le meilleur dans son domaine : cela signifie que votre travail a un réel impact dans le milieu et sur la nouvelle génération. Si j’en fais partie aujourd’hui, je le dois aux prix que j’ai pu recevoir, bien sûr, au poste que j’occupe actuellement dans mon agence, mais aussi au fait d’être enseignant et de pouvoir emmener mes étudiants sur des projets ambitieux et les guider dans leurs futures vies de créatifs. Cette distinction, je leur dois également ! »