Dossier #46
Le gaming et l’Esport,
bien plus qu’un loisir
Alors que le jeu vidéo a été pendant des années considéré comme un simple loisir (dans le meilleur des cas), il est aujourd’hui devenu le premier secteur culturel au monde et devrait générer plus de 159 milliards de dollars en 2020. Rien qu’en France, son chiffre d’affaires a frôlé les 4,8 milliards d’euros l’année dernière. Le gaming et la pratique sportive du jeu vidéo (l’Esport) constituent ainsi de véritables locomotives, avec d’un côté, le nombre de joueurs qui ne cesse d’augmenter et de l’autre, une économie florissante avec une grande variété de métiers et de débouchés. Faites connaissance avec un univers passé de mal-aimé à tête d’affiche.
Qui joue ?
À travers le monde, « jamais le nombre de personnes qui jouent aux jeux vidéo n’a été aussi important (…). Nous sommes aujourd’hui environ 2,7 milliards d’humains à triturer nos smartphones, consoles ou PCs (…). Et la tendance ne semble pas prête de s’inverser, puisque en 2023, la barre des 3 milliards de joueurs devrait être dépassée. » Selon la dernière étude du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs, la France compterait près de 36,5 millions de joueurs. Si 71 % des Français jouent au moins occasionnellement, ils sont 52 % à jouer de façon régulière. Un chiffre en progression constante depuis des années (+ 3 % depuis l’année dernière). L’âge moyen du joueur est passé de 40 à 39 ans, avec un peu plus d’hommes (53 %) que de femmes (47 %). Si autant de gens s’adonnent au jeu vidéo, c’est aussi par ce que ce loisir rend heureux, comme le démontre une récente étude de l’Oxford Internet Institute. Et contrairement à ce que les anciennes générations ont pu penser, « les jeux vidéo ça rend pas idiot ! », comme l’a détaillé le docteur en psychologie Yann Leroux dans un ouvrage édité par l’ISG. Selon lui, les jeux vidéo constituent « des manières de se mettre en lien avec soi-même et avec les autres. Mais ils sont aussi plus que cela. Ils sont une manière d’apprivoiser le futur. » Ce n’est donc pas un hasard si, aujourd’hui, ils forment un secteur d’avenir et un solide moteur économique.
La France, un acteur qui monte
Selon le dernier baromètre France Esports, 7,8 millions de personnes consomment ou pratiquent l’Esport dans l’Hexagone. « C’est énorme, explique Sébastien Levêque, directeur projets chez , la business school du Groupe IONIS dédiée à cet univers. Ce chiffre est frappant puisque plus d’un Français sur dix est consommateurs d’Esport, alors qu’il s’agit d’une discipline plutôt nouvelle, bien qu’elle existe depuis plusieurs années. Si en Corée du Sud, les athlètes Esport sont souvent adulés par une foule immense de plus de 50 000 spectateurs dans des arènes survoltées, la France fait néanmoins partie des principaux acteurs du marché en termes d’audience. » En 2019, l’AccorHotels Arena de Paris a ainsi accueilli les Mondiaux 2019 de League of Legends (LoL), un événement qui a battu tous les records de diffusion : 44 millions de spectateurs simultanés (hors Chine) lors des pics d’audience et une moyenne 21,8 millions de spectateurs par minute. Alors que la cérémonie d’ouverture avait accueilli près de 15 000 spectateurs sur place, ‘O’Gaming, le diffuseur français de l’événement, affichait 180 000 spectateurs de moyenne sur Twitch et 205 000 en pic. « Des chiffres évocateurs et un record personnel pulvérisé » notait alors L’Équipe, pour qui « on a enfin eu le sentiment que cette compétition était traitée comme un rendez-vous sportif majeur organisé sur le sol français (…). La discipline doit maintenant se servir de ces nouveaux projecteurs braqués sur elle pour continuer de grandir à tous les niveaux, structurel et humain. Parce qu’elle est encore loin d’avoir atteint sa pleine maturité. »
L’Esport, en voie de démocratisation
Aujourd’hui, les compétitions professionnelles se déroulent principalement autour d’une dizaine de titres : League of Legends, Call of Duty, Fortnite, Valorant, Rocket League, Counter Strike, FIFA ou Overwatch. « La pratique de l’Esport est en train de se démocratiser, poursuit Sébastien Levêque. Via l’organisation de compétitions comme l’année dernière avec les Mondiaux de LoL ou le travail de France Esports qui permet de cadrer cette pratique et de faire la promotion du sport électronique sur le territoire. Les pouvoirs publics se prêtent également au jeu : des députés, des élus locaux et des ministres ont assisté à certains grands événements et des institutions s’impliquent désormais. C’est un sujet à plusieurs niveaux, car outre l’aspect business, l’Esport est un facteur d’intégration sociale. Les compétitions existent depuis des années, mais elles n’étaient pas aussi professionnalisées que maintenant. Et si nous ne sommes pas face à un marché mâture comme celui du sport, il tend à se professionnaliser encore plus. » Un avis partagé par Terence Figueiredo, directeur de PHG Academy, le centre de formation Esport du Groupe IONIS : « Bien sûr que la Corée du Sud est une référence sur l’aspect professionnalisation. Mais contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’écart avec la France et l’Europe concerne principalement le niveau des joueurs, la culture de l’Esport et du gaming étant bien plus ancienne chez nos amis Coréens. Mais au niveau institutionnel et administratif, nous ne sommes pas si éloignés. »
Des métiers pour toutes les passions
Dans l’Esport et le gaming, les métiers et les débouchés professionnels sont nombreux. Pour Sébastien Levêque, « ces métiers ne sont pas en soi nouveaux, simplement ils s’adaptent au jeu vidéo ». Parmi ces différentes familles professionnelles, on peut citer les métiers liés au business development, à l’événementiel (bien que ce secteur soit particulièrement impacté par le contexte sanitaire actuel), au marketing, à la communication, aux métiers tech & design, au coaching et au management de joueurs. « La communication digitale du secteur est très active, avec des plateformes très spécifiques qui se développent, aussi bien pour la diffusion des compétitions que la commercialisation des jeux, comme Twitch, Steam ou Epic Games Store. On peut aussi évoquer le cas de la dernière PlayStation, à peine commercialisée et déjà en rupture de stock mondial en à peine 24 h. Ces métiers sont à 360° et nous incorporons cette dimension dans l’ensemble de nos formations. » « Tous les métiers du numérique sont essentiels à l’Esport, ajoute Terence Figueiredo. Et si l’on se spécialise dans l’Esport, on peut très bien par la suite bifurquer dans d’autres secteurs, car les compétences sont là. Un féru de numérique trouvera toujours sa voie. »
Tous les métiers du numérique sont essentiels à l’Esport
Devenir cyber-athlète
Pour inscrire son nom (ou son pseudo) au panthéon du sport vidéoludique, il n’y a pas de secret : cela passe avant tout par l’abnégation et le travail comme pour le sport traditionnel. « La première condition est d’être un passionné et d’avoir l’envie de gagner, explique Terence Figueiredo. À la PHG Academy, nous accompagnons justement ces passionnés pour qu’ils subliment leur potentiel et les entraînons jour après jour à la manière d’un centre de sport-études. La plupart des jeunes que nous formons ont déjà une certaine condition physique. Nous veillons à ce qu’ils atteignent et gardent un certain état de forme, comme n’importe quel sportif. Les entraînements sont intensifs avec des exercices spécifiques liés aux jeux comme par exemple la visée. » Et si les passionnés sont nombreux, « à partir du moment où nous sommes dans un secteur du divertissement, les places sont chères : en moyenne, un joueur sur 1 000 devient professionnel. Bien sûr, notre objectif est de faire en sorte que tous ces jeunes atteignent leur rêve. Mais il faut aussi savoir se montrer réaliste et ceux qui n’ont pas le niveau pour devenir des athlètes professionnels reconnus, mais qui veulent travailler dans ce secteur, peuvent poursuivre leurs études à XP. Cette alliance avec XP, au sein du Groupe IONIS, est une garantie qui permet aux étudiants de décrocher un diplôme reconnu. »
Les nouvelles tendances
Selon Sebastien Levêque, « le cloud gaming est une tendance forte qui prend de l’importance : il offre la possibilité de jouer à des titres qui ne sont pas installés sur la console ou l’ordinateur, mais hébergés en ligne, comme le service comme le service PlayStation Now, Xbox Game Pass ou l’initiative Stadia de Google. Côté technologique, les fabricants AMD et Nvidia travaillent activement sur le ray tracing, une technique qui permet de mettre en exergue tous les effets de lumière. C’est une technologie très puissante et très attendue par les gamers. » « Les clubs de gaming se développent de plus en plus, ajoute Terence Figueiredo, comme la réalité augmentée qui commence à s’appliquer à tous les jeux compétitifs. On assiste à l’émergence du physique mélangée à la réalité augmentée, comme les Esports Virtual Arenas (EVA) : les joueurs équipés de casques se déplacent dans l’espace. On couple ainsi la réalité virtuelle avec les compétences physiques. Cela brise les frontières et l’avenir de l’Esport passera nécessairement par là. »
Une communauté immense et active
Pour mieux comprendre la force du réseau représenté par l’Esport et le gaming, il suffit de voir ce que cette communauté a pu accomplir avec Z Event. Chaque année, ce marathon caritatif de trois jours rassemble les plus célèbres streamers francophones au profit de grandes causes. En octobre, l’événement qui a eu lieu à Montpellier et en ligne, a établi « un nouveau record de collecte de dons pour une association », avec plus de 5,7 millions d’euros récoltés au profit d’Amnesty International. Cette initiative, soutenue par plusieurs artistes et saluée par le président de la République, montre combien la communauté est importante et puissante en France. « Cette mobilisation est chaque année de plus en plus impressionnante, remarque Terence Figueiredo. Elle est la preuve de la vitalité et de la capacité de mobilisation du secteur. » Et pour cause, ce sont plus de plus de 100 000 euros par heure qui ont été récoltés tout au long de l’événement !
En somme, « quand on voit la croissance ininterrompue du jeu vidéo et de l’Esport, celle du chiffre d’affaires, ou son audience qui a bondi de 101 % pendant le premier confinement, c’est un secteur – même au regard de la crise sanitaire – qui explose, conclut Sebastien Levêque. C’est donc forcément un secteur qui va continuer à embaucher. À ceux qui ont un doute quant aux débouchés, je leur conseille de venir se renseigner. C’est un univers dans lequel on apprend par la passion et pour la passion ! »
Une passion qui peut ainsi se transformer en une véritable expertise avec de très belles perspectives d’avenir.