Rencontre avec Adrien Ruffier (ISEG promo 2018), chargé de communication de l’ISEG Strasbourg et vice-président du conseil communication de Vaincre la mucoviscidose.
Adrien mène plusieurs vies. Sa première le rattache à l’ISEG Strasbourg, une école dont il sort major de promo en 2018. Élève brillant, il remporte en 5e année le Concours National de la Communication au niveau Grand Est, face à la plus de 3 000 étudiants. Pas encore diplômé, il commence ensuite à enseigner le marketing digital, à l’université et dans plusieurs écoles. L’année suivante, le directeur de l’ISEG Strasbourg lui propose de prendre en charge la communication de l’école tout en y donnant des cours. « Un choix du cœur » et l’opportunité pour l’ancien étudiant de « pouvoir passer de l’autre côté ». Sa deuxième vie, c’est celle d’un professionnel du digital et du référencement, qui accompagne aussi bien des entreprises que des institutions ou des politiques. Adrien a toujours besoin d’être challengé : « J’ai toujours fonctionné ainsi, en suivant où les chemins m’amènent. Cela m’a permis de faire de très nombreuses rencontres. »
« Un travail à temps plein »
Sa troisième vie, c’est son combat contre la mucoviscidose, une maladie incurable, première maladie génétique qui touche 7 000 personnes en France et s’attaque au système respiratoire et digestif. « Au fil du temps, la capacité pulmonaire va s’effondrer jusqu’à la nécessité d’une greffe du poumon. L’espérance de vie est de 34 ans en moyenne, prolongée de huit années en cas de greffe. » Adrien est diagnostiqué tardivement, à l’âge de 8 ans. Commence alors pour lui, « balloté d’hôpital en hôpital », une bataille qui l’oblige à faire plus de 5 heures de soins respiratoires et musculaires par jour. « Un travail à temps plein » qui ne l’empêche pas d’ajouter à son agenda déjà bien chargé un rôle de vice-président du conseil de la communication de l’association Vaincre la mucoviscidose depuis trois ans. Car son autre vie, c’est celle de l’engagement.
J’ai très vite compris que l’on s’enrichissait en donnant.
« J’ai très vite compris que l’on s’enrichissait en donnant, explique-t-il avec enthousiasme. Mon engagement associatif a commencé dès le lycée, en 2011 où je suis devenu membre du Conseil de la vie lycéenne. Mais très vite, j’ai compris qu’il ne s’agissait que d’un organe consultatif. L’année d’après, j’ai été élu au conseil d’administration de mon lycée, dans lequel on pouvait agir concrètement. J’ai alors pu mettre en place des campagnes de don du sang ; une première dans l’établissement. Après mon bac scientifique, j’ai rejoint une association de lutte pour l’environnement où je ne suis resté qu’un an, déçu par son organisation. J’ai ensuite intégré une structure locale de lutte contre la leucémie dans laquelle il s’agissait de récolter des fonds pour une jeune fille malade. C’était beaucoup plus humain et authentique. J’ai pu accompagner ses parents pendant trois ans sur des problématiques de communication et budgétaires. Cela m’a beaucoup touché et permis de comprendre de je voulais m’investir pleinement dans l’associatif. C’est alors que j’ai rejoint Vaincre la mucoviscidose, ce qui de prime abord ne m’est pas apparu comme une nécessité, car ma priorité était avant tout de vivre… Puis j’ai compris qu’il y avait de nombreuses choses à faire autour de cette maladie, aussi bien avec l’arrivée et le développement de nouvelles thérapies, que dans l’accompagnement des patients ou la levée de fonds. Depuis 2017, j’y ai un double rôle. Localement, je suis référent du Grand Est au niveau des hôpitaux, avec une dimension sociale et financière : représentation des patients, audit, demandes de subventions… Nationalement, j’ai un rôle de communication opérationnelle : j’aide l’association à mettre en place des campagnes, à organiser des événements et les relations presse. »
Un combat sur le long terme au service des autres
Depuis l’an 2000, la maladie est mieux connue du grand public grâce à l’impact médiatique qu’a eu la vie de Grégory Lemarchal. « Mais le véritable combat se mène sur long terme, insiste Adrien. Vaincre la mucoviscidose agit pour les générations futures. Quand je suis né, l’espérance de vie était de 25 ans. Un enfant qui naît aujourd’hui peut vivre jusqu’à 50. Tout va très vite grâce aux bénévoles – l’association en compte 3 000 qui sont sur le terrain et organisent les Virades de l’espoir – et au grand public qui se déplace à ces événements et donne beaucoup. Nous pouvons ainsi financer des postes au sein des hôpitaux. Car ce que le grand public ignore, c’est que ces centres, situés dans les locaux des hôpitaux, vivent, en partie, grâce aux dons. »L’argent reste bel est bien le nerf de la guerre et « alors que de nouvelles thérapies traitant l’origine de la maladie voient le jour dans des pays limitrophes, la France accuse un retard de plusieurs années, note-t-il. Ce qui nous empêche de sauver un plus grand nombre de vies. La faute à difficultés de négociation entre les parties prenantes. On pense que la pression des patients va faire bouger les choses. Sauf qu’ils ne se plaignent jamais… Nous sommes donc tributaires du marché et des finances publiques. »
La vie est belle !
On pourrait le penser fataliste, mais il se considère comme « résolument optimiste, car la mucoviscidose de demain n’est plus celle d’aujourd’hui. Les nouveaux traitements vont permettre de passer du palliatif au curatif. Nous y sommes presque : on arrive désormais à activer la protéine défaillante à l’origine de la maladie, alors qu’il y a peu on ne traitait que les symptômes. C’est une énorme avancée avec d’immenses possibilités, notamment la trithérapie. Cela aura un impact énorme sur l’espérance de vie de 80 % patients. Leur vie va radicalement changer. »
S’il avait un message à faire passer, ça serait celui de « prendre conscience de la beauté de la vie. Quand tu réalises que tout peut s’arrêter d’un coup, tu donnes beaucoup plus de sens, de cœur et d’entrailles à tout ce que tu fais. Il faut profiter de chaque moment. Je fonce toujours dans l’inconnu car je ne veux pas passer à côté de rencontres qui peuvent changer ma vision ou ma façon d’être. Il faut sortir des carcans de négativité. Quand on me demande comment va ma santé, je réponds toujours : ‘Il y’a pire !’ Quand je suis au contact de patients dans des pays moins développés, qui n’ont pas accès à nos traitements, je me dis que j’ai quand même de la chance et que je suis privilégié… » Et de conclure, comme il aime à le répéter à ceux qui ne s’en rendraient pas compte : « La vie est belle ! »